Pratiques inavouables du Japon ancien

Des “pratiques inavouables du Japon ancien”, comme son nom l’indique présentent certaines pratiques du Japon ancien. L’article sera amélioré à mesure de la découverte de nouvelles pratiques, ou en attendant que ma mémoire revienne. N’hésitez pas à indiquer d’autres pratiques en commentaires.

Quelques pratiques inavouables du Japon ancien

Tsujigiri

Le tsujigiri (辻斬り) est un terme qui désigne l’entraînement lorsqu’un samuraï après avoir reçu un nouveau katana ou avoir développé une nouvelle technique de combat, teste son effectivité en attaquant un opposant, habituellement un passant sans défense pris au hasard, et dans la plupart des cas de nuit. Les pratiquants de cela sont eux-mêmes appelés “tsujigiri”.

A l’origine la pratique prenait la forme d’un duel entre guerrier (bushi), mais l’idéal du bushido (la voix du guerrier) largement oublié à la période d’Edo, où il n’y avait plus de guerre à l’intérieur du Japon, la déshonorable pratique du tsujigiri augmenta fortement. Ainsi, au XVIIIe siècle il n’était pas rare d’entendre qu’un ronin, samuraï sans maître, tuait des paysans sans armes par simple amusement. Dans le drama Jin, à l’épisode 5 de la première saison la mère de Chichin meurt à cause de cette pratique.

Pendant la période d’Edo, les attaques de ce type se multiplièrent si bien que le gouvernement d’Edo finit par l’interdire. Les criminels qui étaient pris à pratiquer le tsujigiri reçurent la peine capitale.

 

Ubasute

l’Ubasute (姥捨て), également appelée obasute ou oyasute, est une pratique qui consiste à abandonner de vieilles personnes, inutile à la société, dans des lieux sans vie où ils finissent par dépérir. On ne sait cependant de source certaine si la pratique fut réelle ou reste légendaire. Très empreinte dans le folklore traditionnel Japonais, il semblerait que celle-ci a pu même être encouragée par les seigneurs féodaux pendant des temps de disette et/ou de famine et cette dernière est recensée dans de très nombreux poèmes, légendes et koan, histoires bouddhistes. l’Ubasute est encore employé aujourd’hui comme une métaphore à la condition des personnes âgées au Japon, et dans la ballade de Narayama, de Shôhei Imamura, palme d’or en 1983, cette cruelle pratique y est racontée [fiche Allocine].

Tsukioka Kogyo, serie Nogazuku zue.

Dans cette estampe, Tsukioka Kogyo (1869 – 1927) intitulé “Obasute” montre l’abandon d’une vieille dame dans la colline. Cette estampe est issue de la série “Nogaku zue” (Image du théâtre Nô) créé entre 1897 et 1902.

Le Junshi

Dans le Japon médiéval tel qu’il est idéalisé à la vue de la société moderne, la pratique du Junshi [殉死] a existé. Cette pratique consistait à se faire seppuku à la mort de son seigneur en gage de loyauté.

Peu courante dans le Japon des guerres, et survenant quasi uniquement sur le champs de bataille, avant une défaite imminente. L’ennemi victorieux permettait au vaincu de se suicider « avec honneur » plutôt que d’être capturé, et exécuté. La pratique va devenir de plus en plus courante avec la pacification du Japon par le shogunat Tokugawa.

Entre 1607 et 1668, ce sont plus de 200 personnes qui se donnèrent la mort après la disparition de leur seigneur dans 29 cas qui sont formellement recensés (sachant que beaucoup de cas n’étaient pas déclarés). La pratique fut si courante que c’est par la loi que le shogunat Tokugawa y mit un terme. [voir plus ici]

Le mariage d’alliance

Portrait d’Asahi no Kata.

Le mariage d’alliance a toujours été un fait majeur de la monarchie en Europe et dans le monde afin d’asseoir sa position, de calmer les guerres, et de renforcer la lignée. Au Japon, le mariage d’alliance prend toute sa signification quasiment “morbide” lorsqu’après la mort d’Oda Nobunaga, Hideyoshi le vengea puis essaya de conquérir le pouvoir. Il dut se battre contre les anciens généraux de Nobunaga. Le dernier restant fut Tokugawa Ieyasu à la puissance militaire importante et qui a été le seul à lui infliger des défaites. Afin de s’accorder, en plus des possessions et d’un rang majeur à tenir dans cette armée nouvelle, il suggéra le mariage de sa petite sœur avec ce dernier, mais Asahi no Kata était déjà mariée. Son mari, Saji Hyûga no Kami devant l’importance historique de cet accord se suicida.

 

 

 

Garder les têtes des ennemis

Lorsque les seigneurs de guerre se battaient au Japon, les guerriers devaient récupérer les têtes de leurs ennemis en guise de preuve, car ils étaient récompensés en fonction. Lors de la guerre de Corée entre  1592 et 1598,  loin de chez eux, ils ne firent que peu de différence entre les militaires qui leur faisaient face, et les civils. Le nombre de tête prise, sur l’“ennemi” d’alors, étaient si important (30000 ont été comptés pour le seul domaine de Shimazu (couvrant la moitié du Kyushu) qu’il fut décrété par Toyotomi Hideyoshi que les nez suffiraient désormais. Comble du sordide, un monument religieux à Kyoto fut érigé au-dessus de ces “trésors” de guerre ensevelis (et conservés dans le sel) , le “Mimizuka” à proximité du monastère Hokoji.

La justice paysanne

Au 15e et 16e siècle, le village va se constituer en « so » autour de l’entente entre les paysans et les jizamurai, d’anciens paysans devenus samurai mais formant une petite caste de guerriers locaux. Le « so » va grandir en autorité et devenir presque indépendant. En tout cas, les seigneurs locaux devront s’en accommoder. Kujo Masamoto, dignitaire impérial retiré dans son domaine explique son fonctionnement et la justice qui était particulièrement dure, plus que celle du shogunat. Les meurtriers, les incendiaires et les voleurs étaient particulièrement visés. La peine de mort prévalait pour tout vol supérieur à 3 sous.

Il raconte concrètement deux affaires de vol qui vont se solder par des exécutions :

« Dans la première, il invite lui-même des paysans chez lui pour célébrer les festivités du nouvel an. Pendant ces dernières, un des invités se fait voler une dague précieuse. Masamoto fait appel à la “justice divine” en essayant de confondre le voleur dans l’eau bouillante. Terrifié, le voleur avoue son crime. Masamoto rend justice : le voleur doit perdre ses droits dans le village, et ce sera son fils qui sera désormais en charge de la maison, et de l’exploitation. Mais le village ne l’entend pas de cette oreille, et conséquence aggravante pour ce dernier, le vol a été commis pendant les festivités du nouvel An dans la résidence seigneuriale où ils étaient invités, ce qui porte un grave préjudice à l’ensemble de la communauté, et potentiellement à sa liberté. Quelques jours plus tard, ils décident de se rendre eux-mêmes au domicile du voleur, ils le tuent ainsi que sa femme et ses trois enfants avant de brûler sa maison. »

La seconde, se passe à l’hiver 1504.

La disette sévit dans le village, si bien que ce dernier est contraint de déterrer les racines de fougère pour les réduire en poudre et en faire une, mauvaise, bouillie. La poudre est redistribuée en fonction du nombre de bouche à nourrir. Un soir un voleur fait irruption, mais les jeunes du village, de garde, le surprennent et le tuent sur-le-champ. Un conseil a lieu qui débouche sur le massacre de ses parents et de ses enfants.

La fille de Mogami Yoshiaki

C’est une histoire tragique qui mériterait sa place dans le répertoire du théâtre No. Mogami Yoshiaki, puissant seigneur du clan Mogami avait une fille âgée de 15 ans qui devait se marier avec Toyotomi Hidetsugu. Ce dernier fut condamné pour trahison et exécuté par Toyotomi Hideyoshi, comme vous pouvez le lire dans l’article dédié, La malheureuse, elle, venait à peine d’arriver à Kyoto, et elle n’avait encore jamais rencontré son futur mari. Malgré cela, et les demandes incessantes de son père, Hideyoshi refusa de l’épargner et elle fut exécutée comme l’ensemble des enfants et des concubines de Hidetsugu.

La piraterie Wakô

Souvent considéré comme un pays à l’esprit “noble et guerrier” il est rare d’entendre parler des pirates japonais qui sévissaient dans les mers du Japon et qui pillaient les côtes asiatiques. Originaire des côtes occidentales du Kyushu et des îles du large, Tsushima, Iki, Gôto, entre autres, la piraterie endémique connaît un essor à partir de 1350. La pauvreté de leurs régions d’appartenance pousse ces pirates, violents et bien entraînés, à commettre leurs méfaits sur les côtes coréennes où ils pillent les greniers, et capturent des villageois pour les vendre en tant qu’esclave. De plus en plus violents, ces pirates dont on compare les méthodes à celles de Vikings, auront une incidence directe sur l’effondrement de la dynastie coréenne de Koryo en 1392. Cette piraterie sanguinaire, perdurera, jusqu’à la fin du XVIe siècle en s’internationalisant et en s’institutionnalisant entre-temps.

De l’esclavage des Japonais

Lors de l’arrivée des Occidentaux au Japon, courant du XVIe siècle, des Japonais, vivant dans des provinces pauvres, se donnaient eux-mêmes en esclavage afin de découvrir le monde. C’était également le cas de certaines familles qui donnaient leurs enfants aux Occidentaux. La pratique est cachée aux autorités mais elle sera découverte lors de la guerre de Corée en 1592 car le nombre d’esclaves va augmenter grandement avec la revente des captifs coréens. Leur nombre est si conséquent qu’il entraîne une baisse du prix mondial de l’esclave. C’est là que Hideyoshi Toyotomi va apprendre que des Japonais se vendent également en esclavage. Choqué. Il interdit l’esclavage et diminue les pouvoirs des Occidentaux. Le massacre des chrétiens de Nagasaki, dit “26 martyres de Nagasaki” dans la foi Catholique qui intervient en 1597 va découler de cela et être un avertissement sérieux aux agissements des Occidentaux dans l’archipel.

 

Source : 

« l’histoire du Japon, des origines à nos jours », Hermann éditeurs, sous la direction de Francine Hérail, 2009

«Nouvelle histoire du Japon », éditions Perrin, Pierre-François Souyri, 2011.

 

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Cet article a 4 commentaires

  1. Sophie THOMAS

    Je ne connaissais pas la pratique du Tsujigiri. J’imagine les scènes de panique que cela pouvait créer à l’époque, c’est incroyable !

     
    1. Shinal

      C’est en effet effrayant, j’ai cru lire sans source que les non-samurai faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour éviter d’en croiser un du regard, pour ne pas qu’il s’en offusque. Après, toutes proportions gardées, la pratique était répandue mais elle n’était pas légale/permise.

       
  2. Nicole

    ils rigolaient pas à ces époques !
    ce serait sympa d’avoir une petite bibliographie jointe à cet article (en français bien évidemment !)