Jordy Meow est un français installé au Japon depuis plusieurs années. Amoureux du pays du soleil levant, il a également un autre passe-temps : l’urbex, c’est-à-dire visiter des lieux abandonnés, dit haikyo en japonais (ndlr : vous pouvez d’ailleurs retrouver un article avec quelques-unes de ses photos ici). En 2013, il publie un livre intitulé Nippon no Haikyo où il nous dévoile des photos plus incroyables les une que les autres avec les histoires de ces lieux si mystérieux. Découvrez un peu plus de Jordy grâce à l’interview qu’il a accepté de nous accorder.
1 – Peux tu te présenter brièvement ?
Je suis (très) jeune (dans ma tête), grand, assez blond et originaire d’Arcachon. J’en suis très fier car il n’a plus de clinique là-bas, alors impossible d’y naître aujourd’hui !
2 – Qu’est ce qui t’as amené à aller vivre au Japon ?
Après avoir fait des études à Bordeaux, à Paris et en Chine, je suis devenu développeur. J’ai travaillé à Paris pendant un an où je vivais avec une coréenne incroyablement sympa (et jolie) dans un appartement dans la rue de Choisy. Je travaillais dans la finance, sur les Champs-Elysées, bref, j’avais déjà une vie bien, bien, bien au delà de toutes mes espérances. Tout allait pour le mieux donc, ou presque. Chaque matin, je me réveillais et ne pensait qu’à une chose : ouvrir les yeux et me retrouver en Chine, comme l’année précédente. Paris me dégoûtait de plus en plus, il n’y avait pas assez à découvrir, j’étais aussi redevenu quelqu’un de relativement normal dans un monde que je comprends trop. Aucun exotisme, aucun challenge. Ce sentiment m’a bouffé et j’ai tout fait pour repartir, aidée vérité aussi par ma copine. J’ai trouvé un boulot de rêve non pas en Chine mais au Japon, à Tokyo, j’y suis donc allé, sans rien connaître du pays. La Chine ne serait pas loin ! Mais finalement je suis tombé amoureux de mon nouveau pays d’adoption et je ne l’ai jamais quitté. Mais je l’avoue, parfois je me réveille au beau milieu de la nuit après avoir eu un rêve flashback de ma vie en Chine et j’ai encore envie d’y retourner ! Mais je suis bien au Japon.
3 – Depuis quand fais-tu de l’urbex ? Qu’est ce qui t’as donné l’envie d’en faire ?
J’ai commencé l’urbex sans le savoir, simplement attiré par le côté graphique et aventure que propose les lieux. C’était en 2009 que j’ai fait ma première visite. Un parc aquatique abandonné (Sports World) qui me rappelait une exploration nocturne que j’avais faite à Aqualand près de chez moi en France. J’avais tellement adoré l’expérience que tous les week-ends en suivant je me programmais de nouvelles visites, impossible de m’arrêter, il y avait tellement à découvrir !
4 – J’ai vu que tu apprécies particulièrement Nara DreamLand ? Qu’est ce qui t’attire à cet endroit ?
Visiter un Disneyland abandonné, ça ne vous fait pas rêver, ni vibrer ou ça ne vous effraie même pas ? J’y suis allé un peu pour toutes ces raisons, relever le défi de monter des roller-coasters à pieds, de prendre des photos sous les étoiles, de braver la sécurité, de faire de jolies photos, etc ! Ce n’est en vérité pas mon haikyo favori, j’y vais régulièrement car j’habite à 20 minutes à pieds.
5 – J’ai aussi entendu lors de ton live Facebook que tu t’es déjà fait attraper dans ce même parc. Quelles sont les sanctions pour ce genre d’intrusion au Japon ?
Je lâche trop d’informations en live, je devrais faire attention ! Mais bon, ce n’est pas vraiment un secret. J’y suis allé en pleine journée avec un drone, je me promenais dans le parc sans faire attention car j’étais devenu trop relax car trop habitué et là, bam, le garde, suivi du proprio en mode ours tout juste sorti de son hibernation, et “heureusement” les flics sont arrivés à deux voitures (!) et ont, en vérité, détendu l’atmosphère. Je travaille un peu dans le tourisme pour la préfecture de Nara et je parle assez de Japonais pour donner l’impression d’être à la fois brave, naïf et sympa et ça marche relativement bien en cas de gros pépin. Même si le proprio ne rêvait que d’une chose, c’est me voir souffrir derrière les barreaux ! Sinon des étrangers se sont déjà fait reconduire chez eux dans le passé (il me semble que c’était des Australiens) et il y a eu aussi des explorateurs locaux qui ont payé de belles amendes.
6 – Tu as publié un livre sur les lieux abandonnés du Japon s’intitulant Nippon no Haikyo. Comment t’es venu l’idée de faire des tes explorations un livre ?
Mes explorations étaient simplement poussées par la passion. Je ne pouvais pas prétendre à faire un livre ou trop publier de photos car simplement au début mon travail était celui d’un rigolo qui abusait du HDR et d’autres techniques douteuses. Très dommage d’ailleurs car certains lieux que j’ai visité n’existent maintenant plus, et même si j’ai les photos je ne peux (veux) pas vraiment les montrer. Mais avec les années, j’ai beaucoup travaillé sur ma photographie, essayé des styles et du matériel différent, écouté les critiques tout en cherchant un moyen de laisser mes émotions se diffuser à travers mes images et je suis maintenant satisfait du résultat. Je voulais que mes photos parlent d’elles-mêmes (car je ne suis un orateur déplorable) et j’ose penser à présent qu’elles le font. C’est ensuite mon éditeur (et ami, bien avant qu’il ne devienne éditeur) Alexandre des Éditions Issekinicho qui m’a proposé que l’on travaille sur ce livre. J’étais super enthousiaste car pour lui ça serait une première de travailler avec un auteur et pour moi mon tout premier livre. Expérience très enrichissante d’autant plus que le livre a été un succès.
Maintenant il y a aussi un livre en Japonais (Birei no Haikyo) et un autre en Anglais, le plus récent (Abandoned Japan).
7 – As-tu d’autre projet de livre ?
Je doute qu’il y ai de nouveaux livres sur les haikyo maintenant, le sujet a été bien couvert, même si je verrai bien des livres avec le focus sur 3-4 haikyo en particulier avec leurs histoires, des insights, le tout un peu romancé. J’avais aussi envie de faire une BD avec mes aventures dans les haikyo, car je ne peux pas réellement transmettre la partie aventure en elle-même via les photos seules. Je rêve pour ça d’une collaboration avec Sophie Dreamy et un éditeur qui serait prêt à financer le projet (comme elle l’avait fait avec le Nathalie Cookbook). Sinon, oui, j’ai d’autres projets de livre !f
8 – As-tu déjà fait des urbex hors Japon ?
J’ai fait une douzaine de spots en Belgique (tels que ECVB, Grammaire, Torrence, …) et un château en France. Je ne suis peut-être pas un explorateur urbain, je suis un amoureux de la nature, du Japon, et des paysages insolites. Je ne ressens pas le besoin d’absolument visiter
9 – Si tu devais faire un top 3 urbex, quel serait-il est pourquoi ?
Gunkanjima bien-sûr est au top du palmarès, ensuite j’ai envie d’assembler toutes ces petites écoles en bois perdues dans les montagnes et les placer seconde, et finir avec les cliniques. En terme de spot bien-sûr Nara Dreamland se placerait second mais je préfère en vérité l’atmosphère des anciennes écoles traditionnelles et des cliniques de campagne.
10 – As-tu des haikyo que tu aimerais voir mais que tu n’as pas eu le temps ou que tu n’as tout simplement pas les moyens de visiter ?
J’ai vu plus ou moins tout ce que je voulais voir mais il y a encore un spot que j’aimerais visiter et je pense le faire bientôt. C’est un hôtel gigantesque sur une île légèrement touristique pour les Japonais.
11 – Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait commencer l’urbex ?
Ne venez pas embêter les autres explorateurs urbains, car nous recevons tous les mêmes requêtes et questions sans arrêt ! C’est un hobby illégal plein de gens très différents avec des règles officieuses à respecter et en parler est assez difficile en vérité. Rajoutez à ça une couche nippone et le sujet s’en trouve d’autant plus délicat dans mon cas. Commencez avec des ruines près de chez vous, cherchez, voyagez, découvrez, apprenez à documenter ces lieux (avec des photos et/ou des textes) et petit à petit vous rentrerez dans un communauté.
12 – Quelles sont tes autres passions ou passe-temps ?
J’ai plein de passe-temps, beaucoup trop, et malheureusement je me dois d’en éliminer ! Voyager partout, découvrir de bons restos, le bon vin, la guitare, chanter, je rêve de dessiner mais je suis nul, le snowboard, le vélo, les randos, programmer, faire des bisous, sauter partout sans raison et faire plein de bêtises.
13 – Revenons-en au Japon, quels sont les endroits que tu aimes le plus ? (Urbex ou autre)
J’adore Tokyo, c’est une ville incroyable, et croyez-moi, je voyage beaucoup au Japon, partout, et je retourne sur les mêmes lieux à plusieurs reprises. C’est Tokyo qui remporte la palme car il y a tout, shitamachi / yamanote, les beaux parcs, les restos, des gens de toute sorte. Aucune ville ne lui arrive à la cheville, malgré tout que je peux entendre et lire rien ne remplace ce que j’y ai vu. Mention spéciale à Gunkanjima, bien-sûr, où j’y ai vécu mes moments les plus impressionants. Ensuite il y a beaucoup trop d’endroits mais je vais sortir des noms de lieux qui me passe par la tête sans trop y réfléchir, alors la Vallée de Kiso, Mifuneyama, Péninsule d’Izu, les îles de Setouchi.
14 – Tu m’as dit avoir 3 projets concernant le Japon ? Pourrais-tu nous en parler plus en détail ?
Je travaille sur un site pour enseigner le Japonais. Le concept est très particulier et n’a jamais été fait, c’est aussi un travail énorme et Sophie Dreamy (ma partenaire pour ce projet) et moi nous sommes les éléments dont le projet a besoin. Une chance et une opportunité énorme, maintenant il faut le mener à bien car cela demande un temps titanesque, sans compter qu’il nous faudra ensuite
employer des gens. Je pense que l’on va lancer un projet sur Ulule bientôt car il nous faudrait trouver des “abonnés” à l’avance, pour pouvoir travailler plus vite avec moins d’inquiétudes. J’ai un autre projet et ce sont un série de guides sur le Japon en dehors des sentiers battus, comme je le fais déjà sur mon site. Pareil, ce projet devrait être financé par un projet Ulule. Un éditeur est intéressé dans ce projet mais je ne pourrais pas le faire exactement comme je le vois, d’où l’idée de passer par Ulule et la foi de mes followers ! J’espère que ça va marcher, je ne sais pas du tout ! Mais si le projet fonctionne sur Ulule, il sera super, c’est promis. Désolé, le 3ème projet n’est pas assez mature pour en parler !
15 – Et enfin, petit bonus, aurais-tu une anecdote Japon ou urbex drôle à nous partager ?
À 6h du matin, à Fukushima, je suis allé voir un beau petit lever de soleil. C’était assez loin dans la forêt, j’ai garé ma voiture le plus loin possible après j’ai dû marché pas mal. En revenant, je monte dans ma voiture, je démarre, roule quelques mètres et là, helloooo!, maman ours et son petit surgissent devant moi ! J’aurai garé la voiture un peu avant ou j’aurais marché plus lentement et je serai probablement tombé nez à nez avec eux et vu que maman était aussi grande que moi ça aurait probablement ma tourné ! J’ai voulu vite prendre une photo mais impossible, ils sont partis avant que je puisse le faire.
16 – As-tu quelque chose à ajouter ?
Oui, s’il vous plait, suivez-moi sur Facebook, participez à mes projets Ulule, je mets toute mon âme et tout mon cœur dans ces projets pour qu’ils soit géniaux, mais j’ai besoin de vous ! Voilà, venez au Japon, et visitez-le comme bon vous semble, ne vous faites pas un planning serré, vaut mieux visiter peu mais en profondeur (et parfois loin justement des lieux soit-disant conseillés), partez marcher à la campagne et là où il n’y a rien, vous ne le regretterez pas. Des bisous !
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