La demoiselle d’Unai, conte du Japon

La demoiselle d’Unai était comme une déité terrestre et les yeux d’un homme ne pouvaient pas se poser sur elle. Elle vivait dans un lieu reculé dans la maison de son père, et qu’est-ce qu’elle faisait de ses journées nul ne pouvait le dire car son père la surveiller et sa mère la garder précieusement tout comme leur nourrisse, elle ne pouvait rencontrer personne mais la raison était connue :

Lorsque la jeune fille avait environ sept ans, avec ses cheveux noirs détachés et tombant sur ses épaules, un vieil homme, un voyageur, vint, les pieds fatigués, dans la maison familiale. On lui fit bon accueil, les voyageurs étaient rares, on lui servit du riz et du thé, tandis que le maître de maison, ainsi que la maîtresse, s’asseyait à sa table pour lui faire honneur. La petite fille allait et venait, s’accrochant à la manche de sa mère, tapant à pieds nus sur les nattes, ou faisant rebondir une grande balle verte et écarlate dans un coin. L’étranger leva les yeux et remarqua l’enfant.

Après avoir mangé, il demanda un bol d’eau claire, et prenant dans son portefeuille une poignée de sable fin d’argent, il la laissa glisser entre ses doigts pour faire que le sable coule au fond du bol. Après avoir épié le sable longuement, il prit la parole

« Mon seigneur, j’avais faim et j’étais fatigué, et vous m’avez nourri. Je suis un pauvre homme et il m’est difficile de vous montrer ma gratitude. Mais, je suis un devin de profession, très réputé pour l’habileté de ma divination. C’est pourquoi, en retour de votre gentillesse, j’ai regardé l’avenir de votre enfant. Voulez-vous entendre son destin ? »

L’enfant était agenouillée dans un coin de la pièce et continuer de jouer avec sa balle. Le maître de maison accepta la demande du devin et se tût.

« La jeune fille d’Unai grandira plus belle que les enfants des hommes. Sa beauté brillera comme celle d’une divinité. Tout homme qui la regardera se languira d’amour et de désir, et lorsqu’elle aura quinze ans, un héros puissant, venu de près, et un héros vaillant, venu de loin, mourront pour elle. Et il y aura à cause d’elle une douleur et un deuil, bruyant et douloureux, de sorte qu’il parviendra jusqu’au ciel et offensera la paix des dieux. »

Le maître de maison dit : “Est-ce une vraie divination ?”

“En effet, mon seigneur,” dit le devin, “c’est vrai”. Et sur ce, il attacha ses sandales, prit son bâton et son grand chapeau de paille, il ne dit plus un mot, et s’en alla ; on ne le vit plus et on n’entendit plus parler de lui dans ce pays.

L’enfant, agenouillée dans un coin de la pièce, faisait rebondir sa balle verte et écarlate.

Le père et la mère prirent le conseil à la lettre.

La mère en pleurs, dit : « Laissons faire, car ce qui est destiné ne peut être changé » Mais le père n’était pas de cet avis : « Je vais me battre. Je détournerai le présage ; la chose ne s’accomplira pas. Qui suis-je pour donner foi à un chien de devin qui ment entre ses dents ? ».

A partir de ce jour-là, ils cachèrent l’enfant dans une chambre secrète, où une vieille nourrisse la soignait, la nourrissait, la baignait, la coiffait, lui apprenait à faire des poèmes et à chanter, à danser de telle sorte que ses pieds se déplaçaient comme des papillons roses sur les tapis blancs, ou à s’asseoir devant le métier à tisser et à déplacer, avec grâce, l’aiguille des heures durant.

Huit ans passèrent, la jeune fille n’avait vu d’autres êtres humains sinon son père, sa mère et sa nourrice. Elle passait ses journées à l’écart du monde, dans sa chambre éloignée, loin des paysages et des sons du monde. Ce n’est que la nuit qu’elle sortait dans le jardin de la maison, lorsque la lune brillait, que les oiseaux dormaient, et que les fleurs n’avaient pas de couleur. Et chaque saison qui passait la jeune demoiselle d’Unai devenait plus belle encore. Ses longs cheveux noires arrivaient désormais jusqu’à ses genoux. Son front était comme une fleur de prunier, sa joue un cerisier sauvage et sa bouche, sa bouche, une fleur de grenadier. A 15 ans, elle n’avait jamais vu la lumière et le soleil était malade de jalousie parce que seule la lune pouvait briller sur elle.

Malgré tous les efforts de la famille, et toutes les privations dont elle était l’objet, la renommée de sa beauté se répandit. Et pire encore, parce qu’elle était si bien gardée, et parce que personne ne pouvait la voir, les hommes la désiraient encore plus. Et à cause de ce mystère, des galants, des guerriers et des hommes de grande lignée affluèrent à la maison d’Unai. Ils l’entourèrent l’épée à la main, et ils jurèrent qu’ils ne quitteraient pas les lieux avant d’avoir pu voir la jeune fille de leurs yeux, que ce soit de gré ou de force.

Le père n’avait plus le choix. Il demanda à sa femme d’aller chercher leur fille. Elle emporta avec elle un kimono d’or et un obi et elle trouva sa fille assise dans sa chambre secrète en train de chanter.

« Rien n’a changé depuis le temps des dieux, Ni le cours de l’eau, ni le chemin de l’amour. »

La mère, étonnée, dit : “Quelle est donc cette chanson, et où as-tu entendu parler de l’amour ?”.

Elle répondit : “Je l’ai lu dans un livre.”

Sa mère et la nourrisse, attachèrent ses cheveux et les épinglèrent haut sur sa tête avec des épingles d’or et de corail, et les tinrent avec une grande broche en laque.

Elle dit : “Qu’ils sont lourds !”

Pendant qu’ils l’habillaient du kimono de soie, et qu’ils nouaient la ceinture, elle frissonna et dit : “J’ai froid.”

Puis ils voulurent lui mettre un manteau brodé de fleurs de prunier et de pin, mais elle n’en voulut pas, disant : “Non, non, je brûle de chaud.”

Ils lui mirent du rouge sur les lèvres, et quand elle vit cela, elle murmura : “Hélas, il y a du sang sur mes lèvres !”.

Puis, ils la firent sortir sur le balcon, d’où les hommes qui étaient rassemblés pouvaient la voir. Elle était plus belle que les enfants des hommes, et sa beauté brillait comme celle d’une divinité. Tous les guerriers qui se trouvaient là la regardèrent et se turent, déjà éperdus d’amour et de désir. La jeune fille se tenait debout, les yeux baissés, et lentement, la rougeur monta sur ses joues la rendant encore plus belle qu’elle ne l’était déjà.

C’était 30 ou 40 hommes tous plus jeune, plus courageux et plus riches les uns des autres, qui désiraient sa main, et parmi eux, il y en avait deux plus braves et plus nobles encore.

L’un venait de loin et était le champion de Chinu, et l’autre venait de près, c’était le champion d’Unai. Ils étaient jeunes, forts et avaient de beaux cheveux noirs. Ils étaient égaux en âge, en force et en courage. Ils portaient tous deux de grandes épées, et des carquois chargés sur leurs dos et des arcs de six pieds en bois blanc dans leurs mains. Ensemble, ils se tenaient sous le balcon de la jeune fille d’Unai, comme des frères jumeaux par leur beauté et leurs exploits. Ensemble, ils déclamèrent à haute voix et avec passion, leur amour éternel, et demandèrent à la jeune fille de choisir parmi eux.

Elle leva les yeux et les regarda fixement, mais ne pipa mot.

Ils tirèrent alors leurs épées et firent comme s’ils voulaient régler l’affaire sur-le-champ ; heureusement le père de la jeune fille prit la parole : « Rangez vos épées, messieurs, j’ai imaginé une meilleure façon de régler cette affaire. Si cela vous plaît, entrez donc dans ma maison. »

Une partie de la maison d’Unai était construite sur une plate-forme au-dessus de la rivière. C’était le cinquième mois et la glycine était en fleur sur le treillis, elle pendait vers le bas, touchant presque l’eau. Le courant de la rivière était puissant et ses eaux profondes. Le père y amena les champions. La jeune fille était là aussi. Mais la mère et la nourrisse se tenaient un peu à l’écart, et cachaient leur visage dans leurs longues manches. C’est alors qu’un oiseau blanc tomba du ciel bleu et se balança de droite à gauche sur les eaux de la rivière.

“Maintenant, champions,” s’écria le père de la jeune fille, “tirez vos arcs et faites voler chacun de vous une flèche vers l’oiseau blanc qui flotte sur la rivière. Celui qui touchera l’oiseau et prouvera qu’il est le meilleur tireur, épousera ma fille, la demoiselle d’Unai.”

Aussitôt, les deux champions tirèrent leurs arcs de bois blanc et firent voler chacun une flèche. Chaque flèche fila rapidement, chaque flèche frappa juste. Le champion de Chinu frappa l’oiseau d’eau à la tête, mais le champion d’Unai le frappa à la queue, si bien que ses plumes blanches furent dispersées. Alors les champions s’écrièrent : “Assez de ces joutes. Il n’y a qu’un seul chemin.” Et de nouveau leurs épées brillantes bondirent de leurs fourreaux. Se faisant face. Prêt à gagner dans un duel à mort l’amour de celle qu’ils convoitent si ardemment.

La jeune fille resta debout, tremblante, tenant dans ses mains la tige de la glycine. En tremblant, elle secouait légèrement les branches, si bien que de frêles fleurs tombaient tout autour d’elle.

“Mes seigneurs, mes seigneurs,” interrompait-elle, “oh, braves et beaux héros. Il n’est pas convenable que l’un de vous meure pour une personne telle que moi. Je vous aime tous les deux, alors adieu”.

さよなら

Et sur mot ce, s’accrochant toujours à la glycine, elle se retira du balcon pour se laisser tomber dans la rivière rugissante. “Ne pleurez pas”, s’écria-t-elle, ” aucune femme ne meurt aujourd’hui. Ce n’est qu’un enfant qui est perdu.”

Les deux héros n’acceptèrent pas ce sort.

Le champion de Chinu s’élança dans la rivière, pendant qu’au même moment, celui d’Unai faisait de même. Hélas, les armes et armures qu’ils portaient augmenter leur poids, et ils coulèrent au fond des flots retenus par des nuées d’algues.

Ainsi, tous les trois furent noyés.

A la nuit, quand la lune brillait, les visages pâles se levaient, flottant à la surface de l’eau. Le champion d’Unai tenait la main droite de la jeune fille dans la sienne et le champion de Chinu reposait la tête contre son cœur, lié à elle par une tresse de ses longs cheveux.

Les trois corps furent sortis de l’eau dans une grande tristesse et ils furent déposés ensemble dans un cercueil de bois blanc, sur lequel des herbes et des fleurs aux parfums délicats étaient répandues. Un voile de fine soie blanche fut déposé sur leurs visages. Puis on alluma un feu, et de l’encens fut brûlé. Les nombreux prétendants qui aimaient la jeune fille se tenaient autour de son cercueil et faisaient une haie entre eux en levant leurs épées. Un grand deuil, bruyant et douloureux, suivi dont le son parvint jusqu’aux cieux et troubla la paix des dieux.

Une tombe fut creusée, large et profonde, et les trois jeunes gens y furent enterrés.

La jeune fille fut placée au milieu, et les deux champions de chaque côté. Izumo étant le lieu de naissance du champion de Chinu, on apporta de la terre de là-bas dans une jonque, et on le recouvrit de cette terre.

La jeune fille dormit donc dans la tombe, les champions la gardant fidèlement, car enterré avec eux étaient leurs arcs de bois blanc, leurs armures, leurs lances et leurs épées. Rien de ce qui est nécessaire à l’aventure dans le pays de Yomi n’avait été oublié.

Chaque semaine, un nouveau conte japonais est disponible sur le site du Japon. Retrouvez ces contes ici .
 

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