Le cerisier sacré du temple de Musubi, conte japonais

Le cerisier sacré a été planté il y a plusieurs centaines d’année dans le sol d’un temple dédié au dieu de l’amour Musubi-no-kami. Il se tient magnifique entre tous et on lui a donné le surnom de « Kanzakura » [寒桜]. On dit même que c’est en l’honneur de ce cerisier sacré qu’a été créé le temple autour.

Il y a longtemps lorsque le village de Kagami était bien plus petit qu’aujourd’hui, un de ses habitants se nommait Sodayu. Il était un de ces hommes que l’on retrouve dans chaque village. De ceux qui travaillent peu mais compte sur le travail des autres pour s’enrichir et le devenir plus que la plupart. Il achetait et vendait des terres, prenant des commissions au passage, et avant même d’être quarantenaire, il devint un homme riche.

Sodayu était veuve. Il avait seulement une adorable fille qui était âgée de 17 ans. Et Sodayu pensait qu’il était temps de lui chercher un bon mari. Il appela donc Hanano et lui dit :

« Le temps est venu de te trouver un bon mari, ma chère fille. Lorsque je l’aurais trouvé, tu seras contente, je crois, et ce sera ton devoir de l’épouser »

Bien sûr, Hanano se pliait à la volonté de son père en le saluant prestement mais elle confia à sa servante favorite qu’elle ne désirait pas épouser un homme dont elle n’était même pas amoureuse.

« O Yuka, que puis-je faire ? Que me conseilles-tu de faire ? O ma chère Yuka, s’il te plaît. Aide-moi à trouver un homme que j’aimerais. Beau, et bien sûr il ne doit pas avoir plus de 22 ans. »

Yuka répondit que ce qu’elle demandait été difficile à réaliser mais qu’il y avait un moyen d’y arriver : « Tu peux aller au temple de Musubi-no-kami et prier le dieu de l’amour. Demande-lui que le mari que trouvera ton père réponde aux exigences de ton cœur. On dit que si tu pries au temple 21 jours d’affilé tu obtiendras l’amour que tu désires. »

Hanano était enchantée par l’idée. Cette après-midi, là, accompagnée de Yuka, elle se rendit au temple afin de prier. Elle y retourna chaque jour jusqu’à ce que le 21e jour arrive. Après avoir fini leurs prières, elles prirent le chemin du retour lorsque près du « Kanzakura » se tenait un jeune homme de 20 ou 21 ans d’une grande beauté, « au visage claire et aux yeux expressifs » selon les mots de Hanano. Il tenait à la main une branche de cerisier. Alors que leurs sourires respectifs s’entrecroisaient, il s’approcha de la jeune fille et lui tendit la branche. Elle rougit mais elle accepta prestement le présent. Il se retira ensuite, la saluant, comme elle-même se retirait le cœur léger. Un sentiment de félicité l’avait envahi, persuadée que le jeune homme avait été envoyé en réponse à ses prières. « Bien sûr que c’est lui » dit-elle persuadée à Yuka. C’est le 21e jour, et les jours de prières requis dont tu m’as parlé sont complets.le cerisier sacré et la belle Hanano

« Ne suis-je pas chanceuse ? N’est-il pas incroyablement beau ? Je ne pense pas qu’un si beau jeune homme a déjà été vu. J’aurais tellement aimé qu’il ne parte pas », c’est entre autres choses ce qu’elle disait à sa servante sur le chemin du retour et, bien sûr, une fois à la maison la première chose qu’elle fit fut de mettre la branche dans un vase dans sa chambre.

« O Yuka ! » , qu’elle appelait au moins pour la douzième fois. « Maintenant, s’il te plaît, tu dois chercher toutes les informations que tu peux avoir sur le jeune homme mais ne dis rien à mon père. C’est possible qu’il n’est pas le mari que mon père m’a choisi… Mais je ne peux en aimer un autre, quoi qui se passe, ou je devrais l’aimer en secret si c’était le cas. S’il te plaît, va maintenant » et la servante de s’exécutait.

Après quelques recherches, Yuka n’avait rien trouvé sur le jeune homme du cerisier sacré, mais en écoutant les rumeursdu village, elle entendit qu’un autre jeune homme qui était amoureux de mademoiselle Hanano avait entendu la demande de son père et qu’il s’apprêtait à se présenter le lendemain. Son nom était Tokunosuke. C’était un jeune homme plutôt sociable et qui avait quelques moyens, mais son apparence n’avait aucun rapport avec celui du jeune homme qui donna la branche de cerisier à sa maîtresse. Ayant entendu cela, Yuka s’empressa d’aller le reporter à sa jeune maîtresse.

Et le jour suivant, tôt le matin, à une heure formelle, Tokunosuke prit un rendez-vous pour voir le père de Hanano et lui demandait la main de sa fille. Hanano fut appelé pour servir le thé, et ainsi, elle put voir le jeune homme.

Tokunosuke fut courtois et poli avec elle, tout comme l’inverse, et dès qu’il fut parti, son père lui dit que c’était le garçon qu’il lui avait choisi pour qu’il devienne son mari. « C’est le bon pour pleins de raisons ma chère fille. Il a de l’argent. Son père est mon ami et il est secrètement amoureux de toi depuis des mois. Tu ne peux rien demander de plus ! »

Hanano ne répondit pas, elle se retourna, et partit en larme vers sa chambre. Yuka fut appelée, et Sodayu lui dit « J’ai trouvé le meilleur des hommes pour votre maîtresse mais au lieu de montrer sa joie et sa gratitude, elle a quitté la pièce en pleurant ! Pouvez-vous m’en dire la raison ? Vous devez connaître ses secrets. A-t-elle un amoureux que je ne connais pas ? »

Yuka ne s’attendait pas à faire face à la colère du père de sa maîtresse, et elle pensa que dire la vérité était la meilleure chose à faire à ce moment. Et que c’était également dans l’intérêt de Hanano. Ainsi, elle parla sincèrement et expliqua tout ce qui s’était passé. Sodayu l’en remercia, et il appela sa fille. Il lui demanda de ramener son amoureux ici, et à défaut d’accepter la demande de Tokunosuke. Le lendemain, le prétendant se montra, et Hanano lui expliqua, la larme à l’œil, qu’elle ne pouvait l’aimer, étant déjà amoureuse de quelqu’un dont elle ignorait le nom.

« Quelle nouvelle étrange » pensa-t-il « Presqu’insultant d’aimer un homme dont elle ne connaît même pas le nom » et, en saluant, il quitta la maison de Sodayu déterminé à trouver qui était ce rival sans nom, même s’il devait se déguiser pour suivre Hanano.

L’après-midi, Yuka et Hanano allèrent prier comme chaque jour, et en arrivant au temple, elles rencontrèrent une nouvelle fois le beau jeune homme contre le cerisier sacré et une nouvelle fois il s’approcha et offrit une nouvelle branche fleurie sans prononcer un mot. Il parut évident à Tokunosuke qui se cachait derrière une pierre qu’ils ne se connaissaient pas depuis longtemps.

En seulement quelques instants, ils se saluèrent et se séparèrent. Hanano et sa servante s’éloignèrent du temple, pendant que le jeune homme près du cerisier les suivait du regard.

Jaloux. Tokunosuke sortit de sa cache et fonça furieux vers le jeune homme. D’un ton rude, il invectiva : « Qui es-tu, bâtard ! Donne-moi ton nom et ton adresse ! Et dis-moi comment oses-tu forcer la belle Hanako à t’aimer », et alors qu’il était sur le point de saisir le bras de son ennemi, une rafale de vent s’imposa, et les fleurs du cerisier tombèrent si vite qu’elles aveuglèrent Tokunosuke. Quand la vue lui fut rendue, le jeune homme avait disparu. Une lamentation étrange venait de l’arbre. Un prêtre du temple fonça vers lui en colère, criant : « Hérétique ! Est-ce le lieu pour être violent ? Ne vois-tu pas que cet arbre est ici depuis des centaines d’années ? Il est sacré, et contient un esprit sain qui de temps en temps prend la forme d’un jeune homme. Est-ce lui que t’as tenté d’attraper avec tes sales pattes. Va-t’en et ne t’avises pas de revenir ici ! »

Tokunosuke ne demanda pas son reste, et il prit ses jambes à son cou et s’empressa de se rendre dans la maison de Sodayu afin de raconter ce qu’il venait de vivre. Il n’omit aucun détail, même le nom du prêtre qui l’avait disputé.

« Peut-être, désormais, votre fille consentira à m’épouser » conclu-t-il. « Elle ne peut pas épouser un esprit sacré ! »

Hanano fut appelé, et toute l’histoire lui fut racontée par son père. Elle était infiniment déçue d’apprendre que le visage de celui à qui elle avait donné son cœur était celui d’un esprit. « Quel pêché ai-je commis, » se lamenta-t-elle « Tomber amoureuse d’un dieu ?» et elle s’empressa de s’en retourner au temple pour demander pardon. Elle pria longtemps et demanda à ce que ses pêchés soient absolus. Elle prit alors la décision qu’elle dévouerait sa vie au temple. Comme elle refusait de se marier, son père lui donna son accord.

Elle se rendit au temple et demanda à être faite nonne. Ses cheveux furent rasés, et elle revêtit la veste de lin, et le pantalon, afin de montrer qu’elle ne faisait plus partie du monde. Elle resta le reste de sa vie ainsi, à nettoyer le temple et à prier.

Aujourd’hui encore, le temple demeure.

 

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