Masako, la nonne-shogun.

La nonne-shogun, Masako.

Il y a des noms qui resteront dans la légende de l’histoire du Japon. Masako la veuve noire sera certainement de ceux-là. De la même façon qu’Oichi n’aura d’autres choix que celui de suivre les intérêts de sa famille, plutôt que ceux de son mari, Masako devra porter le deuil de ses fils et de ses petit-fils pour le bien de sa famille, le clan Hôjô.

Nous pouvons difficilement imaginer ce que c’est d’être femme du shôgun, servant les intérêts d’un père dont la compassion ne fait guère partie des qualités.

Masako épousa le survivant des Minamoto, Yoritomo en 1177, dans la péninsule d’Izu. Yoritomo fût épargné par la famille Taira, malgré la défaite de son clan dans son soulèvement pour le pouvoir, il était alors âgé de 13 ans. Une famille vassal de la famille Taira, fût en charge de surveiller l’enfant qui deviendra homme – il s’agissait du clan Hôjô et Masako était une des filles du patriarche Tokimosa, son destin était d’épouser Yoritomo et de lui donner des enfants. Le calme semblait régner à nouveau sur tout le territoire.

Jusqu’à ce que l’empire vécu une dissension.  Il était temps de soulever une armée pour contrer la puissance des Tairas qui mettait la cour au défi, assignait à résidence les empereurs et pire, prévoyait de déplacer la cour loin de la belle Kyoto, à Fukuhara, leur fief méridional. A la tête de cette armée, et suivant l’appel du prince Mochihito qui demandait aux forces anti-Taira de se soulever avec l’appui de l’empereur Goshirakawa, Yoritomo en tant qu’unique descendant du bushidan Minamoto, tout désigné à cette fonction et accompagnait de l’appui du clan Hôjô, qui trahissait ainsi son allégeance, attaqua la gouvernance des Taira localement.

Les clans du Kantô étaient prêts à aider Yoritomo dans sa tâche, et à travers guerres et attaques, le clan Minamoto fut vainqueur. Il créa alors le bakufu, premier gouvernement militaire du Japon, qui fut établi à Kamakura, en 1199. Yoritomo lui-même fut le premier shogun, pour quelques années seulement, avec l’assentiment de l’empereur. La maladie venait de l’emporter au sommet de sa gloire et en 1203 son fils, Yoriie devint le 2nd shogun de Kamakura. Jeune mais fier, il supportait mal le pouvoir de shikken, régent, de son grand père Tokimosa Hôjô qui avait son mot pour toute chose. 

Il faut surtout dire que ce dernier n’avait pas été éduqué par la famille de sa mère, mais par le clan Hiki, selon la demande de son père. Il avait épousé une fille de ce clan, et avait eu deux fils, Ichiman, et Zensai. Bien que jeune son esprit fougueux était déjà atteint de démence, se disait-il, et voyant sa fin approchée il galvauda les plans.

« Le shogunat sera divisé en deux pouvoirs : D’un côté, mon frère Sanetomo, sous la tutelle de la famille Hôjô de ma mère, et de l’autre mon fils, Ichiman, sous la tutelle du clan Hiki. » Il laissa entendre que la mort – malencontreuse – de son frère pourrait mener  son fils à être seul shogun, et le clan Hiki, les seuls régents du régime.

Craignant pour la mort de son plus jeune fils, et pour la folie de son ainé, Masako, l’oreille tendue, en référa au shikken, son père Tokimosa. La trahison était décidée. Le chef du clan Hiki fut invité dans la maison du régent sous un prétexte fallacieux où il fut mis à mort.

La perte d’un fils, et d’un petit fils. 

Les troupes du clan Hôjô destituèrent le shôgun, brulant la demeure où dormait Ichiman, alors âgé de seulement 6 ans. Le jeune Zensai, survivant, fut accepté comme disciple au temple Tsuguroka dédié à Hachiman grâce à l’intercession de Masako. Sanetomo, le second fils de Yoritomo et de Masako devint le 3e shôgun de Kamakura.

Masako surveillait les agissements de son père, elle lui en voulait d’avoir assassiné son petit-fils, et plus tard la mort de Yoriie, ancien shôgun en exil, finit de mettre à mal les relations entre Masako et son père dont elle l’accusait d’être l’instigateur de l’assassinat.

Mais  ce dernier voyait plus loin. Amoureux de sa jeune concubine, il semblait que le pouvoir lui était monté à la tête. Il prévoyait de tuer son petit-fils pour devenir lui-même shôgun, avant que son fils ne prenne sa suite. Malgré son pouvoir de régent Masako l’incarcéra, et avec l’aide de son frère Yoshitoki, il fut destitué de son rôle et forcé à prendre les ordres en rejoignant un sanctuaire bouddhiste où il vécut 10 ans encore.

Sinon la mère du Shôgun, et la sœur du régent, Masako ne semblait pas avoir de pouvoir, elle est en réalité considérée comme la véritable chef de ce gouvernement. Elle gère au loin les filiations et les vassalités au shogunat pendant que son frère, sous ses ordres, gère le Bakufu et les intérêts du shôgun et de la famille Hôjô. Sanetomo, le nouveau Shôgun, de son côté, craintif pour sa vie ne fait pas le moindre écart dans son exercice du pouvoir qu’il a, en ne dépassant jamais les intérêts de la famille de sa mère. Il faut dire qu’il est resté traumatisé par la mort de son frère et de son neveu, et qu’il ne souhaite pas vivre le même sort. D’un autre côté Sanetomo a été élevé par la famille de sa mère, et sa tante était sa nourrisse, il est donc naturellement proche de son oncle régent et de sa mère et il s’intéresse bien plus à la poésie qu’à l’exercice du pouvoir. Son échange épistolaire avec la cour aristocratique de Kyoto et l’empereur, montre un homme doux et lettré, très loin de ce que sont naturellement les guerriers de cette époque qui commenceront à devenir homme de goût et d’art sous Kamakura.

La perte d’un fils, et d’un petit-fils part II.

En 1219, Masako voit malheureusement son dernier fils mourir, dans l’épisode tragique de l’assassinat de Kamakura, à l’âge de 27 ans, et par la même occasion, son petit-fils suivra, en étant le meurtrier. Le clan Minamoto n’a plus de descendance, La famille Hôjô deviendra la seule régente du Bakufu, pendant qu’un cousin Yoritsune Kujô dont l’ascendance est légitime, neveu de Yoritomo, prendra la place du shôgun à l’âge de 8 ans.  

Ce qui n’est pas du goût de l’empereur Gotoba qui déclare en 1221, le régent Hôjô Yoshitoki hors la loi, en espérant que les guerriers ne suivent pas l’homme-lige qu’il est. Ce sera à Masako de mettre un point final à cette histoire.

Dans un discours historique, Masako va écrire à chaque vassal du clan Minamoto en remémorant aux familles leur condition avant l’œuvre de son mari, et en s’estimant garante de la politique mise en place par ce dernier malgré la disparition de sa descendance.

Convaincu, les guerriers du Kantô vont prendre les armes contre les troupes loyales à l’empereur, et obtenir une victoire définitive en moins d’un mois.

Par cette victoire le Japon connaîtra un siècle de paix et un partage du pouvoir entre les puissants. La cour, les familles de guerrier, et les temples, sous la coupelle du clan Hôjô ne se sentiront lésés que bien plus tard.  

Hojo Masako par Shihira Tatsuya.

Masako la nonne shôgun décèdera en 1225 à l’âge de 69 ans. En maintenant la légitimité de son mari en tant que créateur du Bakufu.

 

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