La princesse Pivoine

Le conte de la princesse pivoine, Botan Hime en japonais, également connu sous le nom anglais de princesse Peony, est un conte célèbre du Japon qui a traversé les temps. 

Il y a longtemps à Gamogun, dans la province d’Omi, fut un château appelé château d’Azuchi. C’était un magnifique bâtiment traditionnel, entouré de murs et où jaillissait une mare remplie de pivoines, plus belles les unes des autres. Le seigneur du château, Yuki Naizen no Jo, était un homme brave et très riche. Il avait perdu sa femme il y a de nombreuses années, il ne s’était pas remarié, et il n’avait aucun fils. Mais il avait une très belle fille, alors âgée de 18 ans, à qui avait été donné le nom de « princesse ».

La paix, et le calme, régnait dans la province depuis longtemps, les seigneurs étaient tous en très bons termes et tout le monde était heureux. À la lumière de ces circonstances, le seigneur Naizen no jo pensa que c’était une bonne occasion de trouver un mari à sa fille Aya, et après un certain temps à chercher le meilleur parti, le second fils du seigneur Ako fut choisi par les deux pères, sans que ce dernier n’ait son mot à dire. Les deux jeunes gens se rencontrèrent et acceptèrent la proposition sans même y penser. Lorsque les parents le souhaitent, il était du devoir des enfants d’accepter.

La princesse Aya se préparait à aimer son futur mari même si elle ne le connaissait pas, elle pensait à lui, et parlait de lui à ses suivantes.

Un soir, alors que la princesse marchait dans le luxuriant jardin du château, sous la lumière de la pleine lune, accompagnait de sa nourrice, elle se pencha vers son champ préféré de pivoine, en direction de l’étang où elle aimait admirer son reflet, y écouter le son des grenouilles, et regarder le vol des lucioles, pendant les nuits de pleine lune.

Ce soir-là, quand elle s’approcha de l’étang, son pied glissa, et elle serait sans nul doute tombée dans l’eau si un jeune homme n’était apparu comme par magie pour la rattraper. Il disparut aussi vite qu’il n’était apparu dès qu’elle fut en situation de contrôle.

La suivante la vit glisser, puis elle vit un souffle de lumière, et c’était tout. Mais la princesse avait vu bien plus. Elle avait aperçu le plus bel homme qu’elle n’avait jamais même imaginé.

 « 21 ans » dit-elle à sa servante favorite O Sadayo, « il doit être un samurai de haut rang. Sa robe était couverte de mes pivoines favorites, et son épée était richement ornée. Ô pourquoi n’ai-je pas pu le voir une minute encore, j’aurais pu le remercier de m’avoir sauvé de l’eau ! Qui peut-il bien être ? Et comment a-t-il pu atterrir dans notre jardin avec tant de gardes ? »

Ainsi parlèrent la princesse et sa suivante, se promettant dans le même temps de ne pas dire un mot à ce sujet, par peur que son père l’apprenne, trouve l’homme et le décapite pour son action.

Après cette soirée, la princesse tomba malade. Elle ne pouvait pas manger, ni dormir, et devint plus pâle les jours passant. Le jour du mariage avec le jeune seigneur d’Ako approcha mais elle était beaucoup trop malade pour y paraître. Les meilleurs spécialistes vinrent de la capitale, alors Kyoto, pour l’aider à guérir mais rien n’y faisait, elle devenait de jour en jour de plus en plus maigre.

En tout dernier lieu, le seigneur Naizen no Jo convoqua sa confidente O Sadayo et lui demanda directement si elle connaissait une quelconque raison pour que cela advienne. Avait-elle un amoureux secret ? Était-elle dérangée par le mariage avec son promis ?

 « Mon seigneur » répondit O Sadayo, « Je n’aime pas révéler les secrets de madame, mais ici, il me semble de mon devoir envers vous et envers elle de le faire. Il y a trois semaines, quand la lune était pleine, nous marchions dans le lit de pivoine à proximité de l’étang, où la princesse aime être. Elle a glissé et quelque chose d’étrange arriva. En un instant le plus beau des samurai vint à son secours l’empêchant ainsi de tomber dans l’étang. Nous avons tous pu voir sa lueur mais seules votre fille et moi-même avons pu le voir distinctement, et il disparut avant d’avoir été remercié pour son geste. Personne ne comprenait comment il était possible pour une personne extérieure d’être dans le jardin avec tous les gardes qui s’y trouvent, et tous ceux qui se trouvent aux portes du château. Elle nous a demandé de garder le silence sur cela car elle craignait votre colère envers lui. Depuis ce soir-là, elle est tombée malade, c’est une maladie du cœur, elle est, en effet mon seigneur, profondément amoureuse de cet éphèbe que nous avons croisé l’espace d’un instant. Et j’ai bien peur que si nous ne le retrouvons pas, la jeune princesse, votre fille unique, périsse. »   

« Comment est-ce possible pour un homme d’être dans le jardin ?» se demanda le seigneur à haute voix « les gens racontent que les renards et les blaireaux prennent parfois l’apparence humaine, mais même si c’était le cas, ce serait impossible pour eux d’entrer dans cette enceinte garder comme il est à chaque fois qu’il est ouvert ».

Ce soir-là, la pauvre princesse était plus triste que jamais auparavant. Voulant égayer son cœur meurtri, ses servantes mandatèrent Yashakita Kengyo, un célèbre joueur de Biwa. L’été étant ici, tous étaient assis dans l’Engawa : et pendant que le musicien jouait « Dan ura » apparut soudain derrière le lit de pivoine le même samurai. Cette fois-ci tout le monde pouvait le voir, et il portait même les pivoines cousues sur son kimono.

 « Il est là ! Il est là ! » S’écrièrent les servantes, avant qu’il ne disparaisse à nouveau. La princesse était tellement excitée qu’elle semblait plus vivante qu’elle ne l’avait été depuis des semaines, le vieux seigneur était encore plus préoccupé d’entendre cela.

La nuit d’après, pendant que les deux servantes jouaient pour leur maîtresse, O Yae san à la flute, et O Yakumo au koto, la figure d’un jeune homme apparut une nouvelle fois. Une recherche avait duré toute la journée pour le retrouver autour du lit de pivoine mais même une trace de pas n’avait pu être décelée.

Une consultation fut tenue et il fut décidé que le seigneur du château invite un chef d’armée vétéran de grande force et de renom, Maki Hyogo, afin de capturer le charmant dès qu’il apparaîtrait à la nuit tombée. Ce vétéran accepta la mission sur-le-champ avec honneur, et le moment venu il s’habilla de noir, à la manière des ninja de la province d’Iga, ainsi, devenant presque invisible, il se cacha au milieu du champ de pivoine.

La musique semblait fasciner le jeune homme, puisque c’était pendant un concert qu’il était apparu les deux dernières fois. Par conséquent, de même que précédemment O Yae et O Yakumo commencèrent le concert, et pendant que tous les protagonistes surveillaient le champ de pivoine avec attention, les femmes jouaient « Sofuren ». C’est alors que se dressa la figure d’un samurai habillé magnifiquement dans des habits recouverts de pivoines brodées.

Tout le monde le regardait, et se demandait ce que faisait Maki Hyogo à ne pas le capturer. En réalité, ce dernier était tellement surpris de l’attitude noble du jeune samurai qu’il ne voulait pas le toucher en premier lieu, comme tétanisé par tant d’élégance. Il se reprit cependant, afin de ne pas décevoir son seigneur, et de toute sa force saisis l’homme par la taille. Après quelques secondes à s’empoigner, il tomba au sol, en tenant toujours, et fermement, le jeune samurai.

Tout le monde avait vu ce qui s’était passé et quelques gardes vinrent également à la rescousse. Lorsqu’ils atteignirent le lieu ou Maki était, il leur demanda «  venez, Messieurs, je l’ai attrapé. Venez et regardez !» Mais lorsque ces derniers regardèrent, la seule chose qu’ils virent fut une large pivoine.

A ce moment le seigneur était arrivé, ainsi que la princesse et ses suivantes.

Tous furent étonnés de découvrir la pivoine, à la seule exception du seigneur lui-même. « Ah je me disais bien. Pas de renard, ni de blaireau, aurait pu passer mes gardes, c’est l’esprit de la pivoine qui a pris les traits d’un prince. » Regardant sa fille, et ses servantes il dit : « Tu dois le prendre comme un compliment, et donner un grand respect à cette pivoine, et montrer de la gentillesse pour celui qui l’a attrapé en prenant soin de cette dernière ».

La princesse Aya prit la fleur dans sa chambre, où elle fut mise dans un vase d’eau placé près de son oreiller. Elle sentait que son amoureux était près d’elle. Jour après jour, elle alla mieux, la fleur également, plutôt que de faner, se renforçait à vue d’œil. Au final, la princesse guérit. Sa beauté irradiée, pendant que la pivoine restait en état de pleine floraison, ne montrant aucun signe d’épuisement.

Maintenant qu’elle était en pleine forme, il n’était plus possible de repousser le mariage, et quelques jours plus tard,  comme prévu, le seigneur d’Ako et sa famille arriva au château, et son second fils se maria à la princesse.

Dès que le mariage fut prononcé, on retrouva la pivoine sans vie dans le vase où elle se trouvait resplendissante jusque-là. Les villageois après cela, plutôt que de parler de la princesse Aya, ou Aya Hime, préférèrent la nommer, la princesse Pivoine, ou Botan Hime (également connue sous le nom de princesse Peony, en anglais).

 

Source: Richard Gordon Smith, Ancient Tales and Folklore of Japan (London: A. and C. Black, 1908), no. 46, pp. 291-296. Traduit de l’anglais par https://lesitedujapon.com

Chaque semaine, un nouveau conte japonais est disponible sur le site du Japon. Retrouvez ces contes ici .
 

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