Le sakura est sans conteste la fleur la plus connue de Japon. Sa beauté délicate et la brièveté de sa fleuraison en ont fait un symbole du samouraï qui meurt dans la force de l’âge. Vivant dans un pays sans cesse en proie aux catastrophes naturelles, les japonais modernes sont toujours aussi sensibles aux charmes de cette fleur. Chaque printemps donne lieu à des festivals du nom de Hanami (花見) durant lesquelles des milliers de personnes se rassemblent pour aller visiter les parcs et les temples dont les jardins foisonnent de cerisiers taillés tous plus beaux les uns que les autres. Toutefois, les fleurs de sakura n’ont pas toujours connu la même popularité. Dans le célèbre recueil de poésie japonaise, le Man yô shû, 万葉集, le cerisier est beaucoup moins cité que des fleurs telles la pivoine ou le prunus. Ceci s’explique par le fait qu’à l’époque de Nara (奈良時代 710 -794), la cour japonaise était très emprunte des idées venant de Chine dont la culture leur paraissait beaucoup plus raffinée que celle de leur propre pays. Ce n’est qu’à l’époque d’Heian (平安時代 794-1185) que le Japon se japonise. Tout en restant ouvert à la culture chinoise, les nobles cherchèrent à créer par eux-mêmes une culture plus autochtone. Ainsi dans le célèbre recueil de poème Hyakunin isshu (百人一首) de cette époque, le sakura occupe une place centrale alors qu’en Chine, il ne bénéficiait d’aucune attention particulière. Contrairement à d’autres fleurs, ce n’est pas dans le taoïsme ni dans le confucianisme que le cerisier doit sa popularité ; en tant que symbole de l’archipel des dieux, c’est dans le shintoïsme que repose le charme que cette fleur exerce sur l’imaginaire des japonais.
En ancien japonais, il n’existait pas de caractère pour écrire le mot sakura. Contrairement à d’autres fleurs, sa prononciation ne résulte pas d’une japonisation d’un terme chinois, elle est directement issue du langage autochtone. Dans son œuvre « histoire sur les fleurs » 花の話, Orikuchi Shinobu 折口信夫(1887~1953) explique que le mot « sa » désignerait une divinité des récoltes (稲田の神霊) tandis que « kura » renverrait à un réceptacle qui accueille les dieux (神霊が依り鎮まる坐). Le sakura serait donc un arbre sacré dans lequel les dieux des récoltes viendraient prendre résidence. Les paysans avaient pris l’habitude d’aller observer les cerisiers en fleur afin d’essayer de prévoir la qualité des récoltes de l’année. Ils considéraient les fleuraisons précoces comme un signe de bon augure.
L’ancien caractère 櫻 utilisé désigner le cerisier témoigne de l’importance particulière accordée à cet arbre par les asiatiques. La partie de droite 木 signifie arbre. Celle de gauche 嬰 est plus intéressante. En haut on retrouve deux fois le caractère 貝 qui signifie à l’origine coquillage. On sait que dans les temps anciens, les coquillages servaient de monnaie d’échange, Ils étaient donc considérés comme des trésors. La partie du bas, 女 signifie femme qui est désignée par son instinct maternel. 嬰 renvoie donc à quelque chose de précieux et de fragile que l’on doit protéger comme une mère s’occupe de son bébé. Ainsi, le caractère 櫻 signifie que le sakura est un arbre sacré qui mérite de l’attention.
Grâce au savoir faire de jardiniers hors pair, le sakura est désormais omniprésent dans l’empire du soleil levant. On peut le trouver au bord des rivières, dans les parcs ainsi que dans les jardins des temples et des sanctuaires. Ce ne fut pas toujours le cas. Pratiqué déjà à l’époque d’Heian les hanami n’avait rien de comparables à ceux qui se font actuellement au Japon. Appelés « la chasse aux sakura » (桜狩り), les premiers hanami consistaient à s’enfoncer dans la nature mystérieuse de l’archipel des dieux afin d’aller admirer quelques arbres poussant majestueusement sur les chemins reculés des montagnes.
Si les albums des touristes ayant visité le Japon regorgent de photos d’arbres en pleine fleuraison, il faut savoir que dans les temps anciens, ce n’était pas l’arbre en pleine floraison qui attirait l’admiration des japonais, mais le moment où le vent faisait envoler les pétales des fleurs en un pluie multicolore qui suscitait leur émoi. Sensibles à la beauté éphémère des choses, les japonais aimaient décorer leurs kimonos avec des motifs représentants des fleurs de cerisier emportées au loin par les flots après que le vent les ait fait tomber dans la rivière.
Contrairement à certaines autres fleurs dont les pétales se fanent avant de tomber, les sakura sont emportés par le vent au beau milieu de leur fleuraison, ils n’ont donc pas le temps de flétrir. Ceci explique pourquoi au Japon, les cerisiers ne sont pas considérés comme le symbole de beauté féminine mais comme celle du guerrier qui part mourir au combat dans la force de l’âge.
Ce chapitre portant sur les “sakura” nous a été gentiment offert par Nicolas Chauvat pour les lecteurs du site du Japon. Si vous lui avez trouvé un intérêt, vous pouvez retrouver “Les secrets des symboles des kimonos anciens” par Nicolas Chauvat dans les magasins fnac ( lien vers leur site de vente en ligne dans l’image et dans ce lien ) afin de contribuer aux recherches de l’auteur.
Vous pouvez retrouver d’autres livres de Nicolas Chauvat chez notre partenaire Amazon : Nicolas Chauvat, bibliographie
Bonnes lectures.
salut j’aime cette page et je vous remercie pour le gros travail que vous faites pour nous satisfaire. je souhaite recevoir des infos relatives aux nouvelles sorties de manga et d’animé. merci
Ping : La naissance du Sakura – Les Petits Bonheurs