Dans cette ébauche, nous allons parler de tatemae, de consensus et d’éducation au Japon. Ceci est une ébauche, et une première partie d’un grand tout, merci de prendre en compte que les « théories » qui pourraient en ressortir n’ont pas de caractères généraux et prêtent forcément au débat. La plupart des visions ressorties sont issues de lectures diverses, tant historiques, philosophiques, littéraires que sociologique plus que ressorti d’expériences personnelles bien que ces dernières contribuent à les façonner. Merci d’avance à tous ceux qui feront l’effort d’en discuter. J’y explique des visions du Japon et des notions sur la société Japonaise que chacun jugera.
J’ai toujours songé le Japon différent. La réplique contemplative du non initié qui ressort régulièrement dans journaux et magazine du fantasmé « entre tradition et modernité » ne m’a jamais réellement convaincu. J’ai pu être déçu d’apprendre certaines duretés psychologiques dont peuvent faire preuve les Japonais, et j’ai réfléchi à de nombreux points afin de pouvoir les exposer. Je commence l’ébauche ici même, qui est loin de pouvoir présenter le caractère de science mais simplement les réflexions d’un éthos parmi d’autres japonisants qui aime à entretenir son carnet « des choses du monde », libre à chacun de se faire son idée. Je continuerai dans le temps si cela plaît un tant soit peu.
Qui sont les Japonais ?
Vaste question, qui ne trouvera certainement pas une réponse plausible et cela même si nous partions du principe que le japonais est un et uniforme. Il y a de très nombreuses catégorisations possibles, celle du genre par exemple. Les japonais sont extrêmement forts pour se distinguer les uns des autres et pour les codes moraux, a contrario des codes civils édictés par les suivants du droit romain dont la France fait partie. Au Japon, dans une mesure variable ce n’est pas le code préétablit qui fait office de loi des individus, et bien qu’il emprunte celui-ci des ambassades Chinoises dès l’époque de Nara, mais plutôt un code moral qui est à la base de tout au Japon, et qui peut autant trouvé son inspiration des philosophies bouddhiques, confucéennes et shintoïstes, que de la configuration du Japon à l’époque des maîtres (de thé, d’arts martiaux, de poésie…) , plutôt dite comme l’époque des guerriers, lorsque la société était divisé entre les seigneurs – les « samurai », le clergé, le paysan et la pire abomination : le commerçant, avec une notion essentielle, bien plus subtile qu’il n’y parait et surtout bien plus profonde : le Tatemae.
Le Tatemae
Le tatemae (建て前) , ou en français « la face », bien que ce soit une traduction très réductrice du sens très développé de la notion japonaise, est en somme la position que le Japonais doit adopter face à une personne qui n’est pas incluse dans son cercle proche. Un Occidental qui a souvent tendance à aimer les notions raccourcies ferait rejoindre cela à des notions proches de l’hypocrisie. Mais il n’en est rien, ou très peu. le tatemae fait que lorsque vous preniez la posture de quelqu’un qui veut faire une blague, vous transmettez cette envie à vos invités ou aux présents de l’instant, par conséquent et à la fin de cette blague, ils riront, chacun à sa manière en fonction de la relation que vous entretenez avec, que votre blague soit drôle ou pas. Cette réaction permettra à l’auteur de la blague de sauver la face, sans l’encourager pour autant à continuer puisque lui aura compris si sa blague était drôle ou pas à la manière qu’auront eue ses interlocuteurs de rire, s’ils utilisaient leur tatemae pour répondre ou si cela était signe du honne (本音 ), le sentiment véritable, qui selon certains n’existe pas, ou en tout cas pas vraiment, chez les Japonais. Il laissera, alors, la parole à un d’autres qui exposeront ce qu’il désire auprès d’interlocuteurs qui seront tous très attentifs, ou qui paraîtront l’être et ponctueront l’histoire de signe, et d’onomatopées, pour exposer leur « toute attention ». Si personne n’a rien à dire, une caractéristique très remarquable du Japon fait que les présents resteront, face à face, dans le silence jusqu’à ce que quelque chose de nouveau puisse apparaître dans la conversation. Cette chose nouvelle doit être superflue, dans la plupart des cas, et surtout si l’assemblée est diverse, elle ne doit brusquer personne, elle ne doit pas mettre mal à l’aise un des invités présents, les attaques personnelles, même les questions bénignes, sont à bannir. Dans une réunion, de quelque moteur qu’elle soit, le groupe est l’unique intérêt, et toutes les personnes invitées fortes de leur tatemae le savent aisément. Ne pas comprendre cette notion centrale, motrice, transversale de la société Japonaise n’est, pour moi, ne pas pouvoir comprendre le Japon.
Car le tatemae peut aller très loin dans la relation sociale. Il se peut que vous sympathisiez avec un japonais à Tokyo, et que vous passiez un très agréable moment. Si vous l’avouez à votre interlocuteur, d’une vous le mettrez mal à l’aise, et surtout, de deux, vous l’obligeriez à vous rétorquer la même chose, ce qu’il fera, sans laisser paraître qu’il répond de la manière avec laquelle son tatemae l’oblige à faire. Il se peut par la suite que vous ne revoyiez plus cet interlocuteur. Si vous lui envoyez un message mobile par exemple, il vous dira « désolé mais je ne peux pas me libérer car je suis très occupé » et par politesse il rajoutera « à bientôt ». Vous devez traduire cette réponse par un « je ne veux plus vous voir » et vous en faire une raison, et répondre en fonction du tatemae un « je comprends bien, bon courage pour tout votre travail, à bientôt ». Pas besoin d’en pleurer, les Japonais sont très dures avec leurs émotions qu’ils jugent souvent comme de la faiblesse, héritage direct des codes de samouraï, des itinéraires d’un « monde flottant », de la conscience de l’éphémérité de la vie, de la réflexion bouddhique et shintoïste, le tatemae est là pour régir les relations sociales sans jamais mettre quiconque en position de faiblesse. De là naît la supposition du respect, un des termes que l’on entend souvent lorsque l’on demande à un néophyte comment il ressent le peuple japonais, l’utilisation du tatemae met à l’abri de la surprise dans les relations sociales. En effet, peu de Japonais peuvent supporter le rapport frontal à un problème ou la mise au pilori d’un membre du groupe, et cela même dans un contexte proche du honne, soit avec votre petit ami, ou des amis que vous pensez très proche. Dans toutes les situations vous devez faire preuve de mesure, ne jamais laisser éclater votre joie, ne jamais laisser éclater votre colère, mais répondre par des codes, hochement de tête, compris et compréhensible par tous et toutes.
Dans cette même idée, un Japonais qui aura vécu longtemps loin du Japon ne sera plus considéré comme un « vrai japonais », le plus souvent du fait de son ouverture d’esprit nouvelle il aura entré dans son code moral de vie en société, que représente dans une large mesure le tatemae, des données propres qui l’empêcheront désormais de comprendre pleinement ses concitoyens, et qui gêneront ses interlocuteurs, le plus souvent par son manque de nuance. La nuance est une notion essentielle de l’art de vivre à la japonaise, on peut aimer ce que les autres aiment sans limite, mais on ne peut pas aimer pleinement quelque chose, ou dire oui pleinement à quelque chose, ni l’inverse. Dans le langage courant japonais, le « oui » et le « non » se doivent de ne pas exister.
Pourquoi pas? / Je ne sais pas. Le « oui » et le « non » en japonais.
Société du consensus, les notions pourtant clair, a priori, du « oui » et du « non » n’ont pas vraiment leur place en Japonais. Le rapport social au japon est dicté par le tatemae comme nous l’avons vu au-dessus. C’est un postulat de ma part qui se veut vérifiable mais pas de vérité générale, évidemment, et vous trouverez des personnes japonaises qui passeront au-dessus du tatemae assez rapidement. On débattra certainement une autre fois du degré de marginalité de ces derniers au sein de la société japonaise, même si nous en avons vu une approche avec les Japonais qui ont vécu à l’étranger. La franchise d’un « oui » comme la dureté d’un « non » sont deux aléas de la vie japonaise qu’il va falloir absolument bannir.
De l’école à l’entreprise, le groupe avant la personne.
Les Japonais sont des personnes très éduqués, dès leur plus jeune âge, aux alentours de deux-trois ans, il est du devoir de leur mère de leur apprendre les syllabaires hiragana et katakana qu’ils doivent absolument avoir intégré avant d’entrer à l’école primaire. Il y a beaucoup de choses à dire sur l’école au Japon mais d’une manière générale il suffit de la considérer inversée par rapport à ce qui se fait en France. L’intégration d’une école dès le primaire, parfois, se fait sur sélection, le plus souvent un concours. Les écoles les plus prisées, qui sont également très chères, sont celles qui intègrent dans leur enseignement tout le parcours primaire et secondaire. Ainsi de la réussite à l’entrée au primaire dans une école « côté » dépend parfois votre future carrière universitaire, dans une des universités prestigieuses de la capitale, qui vous assurera un poste d’emploi à vie dans une grande entreprise japonaise. Par conséquent c’est très jeune que sont inculqués aux enfants japonais les codes moraux qui régissent la société, la manière de se présenter, de s’exprimer, ce qu’il faut dire ou ne pas dire en fonction de la situation, dans l’optique, relativement, déterminante d’intégrer ces concepts préalables à la pérennité de leur enseignement, considéré comme essentiel pour la réussite dans la société. L’optique principale à l’entrée dans l’institution scolaire est celle d’intégrer un groupe. Toutes les écoles, tous les lycées, ainsi que toutes les universités disposent à foison de groupe dédié à cette tâche : lecture, haiku, aikido, danse, football, handball, volley-ball, théâtre, etc… sont autant d’activité que les écoliers, en costume pour ne pas nuire à l’uniformité du groupe, se doivent d’intégrer selon leur convenance. Leur sociabilisation aura lieu dans cet espace et ils ne devront jamais mettre à exécution des paroles, ou des actes, qui pourraient nuire à leur statut au sein de ce dernier. Être aimé est essentiel, et il est très difficile de ne pas être intégrer dans un groupe sans être un exclu ou un marginal. C’est ce que montre de nombreux « drama » Japonais, avec l’exagération dus à ce type de support. Dans une certaine mesure, par la pression du groupe, c’est toujours un consensus qui est cherché. Prendre une décision dans l’institution Japonaise est l’affaire du consensus de chacun, et c’est également le cas, plus tard, dans l’entreprise où toute décision se doit d’être étudiée par l’ensemble des employés de la compagnie. Aussi, les idées novatrices d’un employé deviennent de manière quasi systématique les idées de l’ensemble du département et par voie de conséquence celle du chef. L’avancement se fait à l’âge et à l’expérience, qu’importe le talent personnel. Une personne arriviste, avec toutes les bonnes intentions du monde, ne se fera pas de place dans l’institution de l’entreprise Japonaise, et elle sera vite considérée comme nuisible, c’est dans une certaine mesure ce qui est lisible dans « Stupeur et tremblement » d’Amélie Nothomb, roman à succès d’une femme parti travailler au Japon et mis au pilori car elle nuisait à la cohérence de l’ensemble, notamment en se mettant en avant face à son chef de département. La décision appartenant à l’ensemble, conséquence direct : le processus décisionnel est long, les interactions avec l’entreprise japonaise sont souvent longues et laborieuses à se dessiner, même si elles débouchent sur une relation de confiance est durable, vectrice de mesure et de compréhension.
Karōshi (過労死), soit littéralement la « mort par excès de travail » désigne la mort des cadres ou des employés de bureau par arrêt cardiaque suite à une charge de travail ou à un stress trop important. Le karōshi est reconnu comme une maladie professionnelle au Japon depuis les années 1970. Très Japonais, ce terme montre et expose à quel point les employés Japonais, surtout au temps du travail à vie dans la même entreprise, sont liés à leur compagnie.
La relation à l’entreprise va d’ailleurs beaucoup plus loin que celle dans les pays occidentaux, où l’employé consacre son temps à obtenir un salaire le plus souvent. Au Japon, et d’une manière plus générale en Asie, le travail au sein de l’entreprise n’est que la partie immergée de l’iceberg. Après le travail, les membres de l’équipe dînent souvent ensemble, et boivent beaucoup, parfois mixte, la plupart du temps les genres se séparent. Les femmes entre elles profitent du karaoke, les hommes de l’izakaya, pour synthétiser maladroitement, la hiérarchie s’efface « en façade » et les chefs partagent ces moments avec les nouveaux venus. Ces espaces de cohésion dans l’entreprise japonaise renforcent les prérequis à son accession appris dès le primaire : s’effacer au profit du groupe, vivre avec le groupe, privilégier le groupe aux envies personnelles. En échange l’entreprise est garante de tout besoin dans la vie japonaise contemporaine, extrêmement onéreuse, elle est surtout en charge de l’« emploi à vie », notion empruntée au Japon de l’avant bulle financière qui promettait le salariat à vie et dont la majeure partie du système scolaire est issue. L’entreprise Japonaise va jusqu’à organiser des séjours entre les employés célibataires afin qu’ils trouvent chaussure à leur pied au sein de l’entreprise. L’employé est tenu de privilégier l’entreprise sur ses besoins personnels, ses horaires s’allongent au gré de ses besoins, ses vacances se réduisent non comme signe d’amour du travail mais plus pour témoigner à l’entreprise son attachement. Ces devoirs ne sont jamais formellement indiqués mais font partie d’un même ensemble de « codes moraux » que chacun a appris et met en application.
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p style= »text-align: right; »>Lire tatemae sur wikipedia
Article très intéressant, qui m’a fait apprendre de nombreuses choses. Néanmoins, c’est dommage qu’il y ait autant de fautes ! *Grammar Nazi*
Non, plus sérieusement, hâte de lire le reste.
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