Visu, le bucheron, et le vieux prêtre

Visu, le bucheron, et le vieux prêtre. Un conte très connu du Japon ancien. 

Il y a longtemps vivait dans la plaine de Suruga, un bucheron du nom de Visu. Il était grand et aux épaules larges, et vivait dans une hutte avec sa femme et ses enfants.

Un jour, Visu reçut la visite d’un vieux prêtre, qui lui dit :« Honorable bucheron, j’ai bien peur que vous ne priez jamais. »

Visu répondit : « Si vous aviez une femme et une grande famille, vous n’auriez jamais le temps, non plus, de prier ».

Cette remarque fit entrer le prêtre dans une grande colère, et le vieil homme donna au coupeur de bois une description hallucinante d’une renaissance en tant que grenouille, souris ou insecte pour des millions d’années. Des détails si terrifiant qu’il en déplaisait à Visu, et qu’il affirma qu’il prierait à l’avenir.

« Travail et prie.», sur ces mots le prêtre s’en alla.

Malheureusement, Visu ne fit plus rien, sinon prier. Il priait toute la journée et refusait de travailler. Ainsi son champ de riz dépérissait et sa famille était affamée. Sa femme, qui avait pourtant promis de ne jamais dire quelque chose de déplaisant à son mari, se mit en colère et pointant l’extrême maigreur de leurs enfants, elle s’écria : « Lève-toi, Visu, prend ta hache et va faire quelque chose de plus profitable pour notre famille que marmonner tes prières ! »

Visu était tellement choqué par ce que sa femme venait de lui dire qu’il eut besoin de temps avant de trouver une réponse correspondante. Quand il la trouva, ses mots étaient forts et peu rassurant pour la femme qui était dans le faux.

« Femme ! » dit-il « Les Dieux viennent d’abord. Tu es une créature bien impertinente pour me parler ainsi, et je n’aurais plus rien à faire avec toi ! ». Visu, alors, pris sa hache et s’éloigna, sans se retourner pour dire au revoir, il quitta la hutte, traversa les champs et grimpa en direction du Mont Fuji, où il disparut dans brume.

Quand Visu s’assit sur un rebord de la montagne il entendit un petit grincement et immédiatement après aperçut un renard caché dans le bosquet. Il se pensait extrêmement chanceux d’apercevoir un renard, et oubliant ses prières, il se dépêcha de le poursuivre dans l’espoir de retrouver cet animal au doux minois.

Il allait bientôt abandonner lorsque dans une clairière il vit deux femmes assises jouant au Go. Le bucheron fut si  fasciné par la scène qu’il ne put rien faire d’autre que de s’asseoir et de regarder le jeu se dérouler. Il n’y avait aucun son, sinon le doux claquetis des pièces de bois bougeant sur le damier. Les joueuses étaient si concentrées qu’elles ne réalisèrent même pas que Visu était à leurs côtés. Elles jouaient un jeu étrange, qui ne finissait pas, un jeu qui occupait toute leur attention. Visu était incapable de relâcher son attention des deux femmes aux longs cheveux noirs, et aux mains nobles, qui sortait des longues manches de soie afin de bouger les pièces. 

Après être resté assis ainsi un long moment, il vit une des dames faire un faux mouvement. «  Non ! Adorable dame ! » S’exclama-t-il brièvement. Et en un instant ces femmes se transformèrent en renard et partir à toute allure.

Quand Visu tenta de les poursuivre il trouva que son corps étaient étonnament rigide, que ses cheveux étaient très longs et que sa barbe touchait le sol. Il découvra plus tard que le manche de sa hache, pourtant d’un bois de première qualité, n’était plus que poussière.

Après des efforts très éprouvants Visu était capable de se tenir debout et d’avancer très lentement vers sa petite maison. Quand il arriva sur les lieux, il fut surpris de ne plus trouver sa hutte, là où elle était, il y trouva alors une vieille dame et lui dit : « Ma bonne dame, je suis surpris de ne pas retrouver mon petit chez moi. Ma maison a disparu. Je suis parti cet après-midi et maintenant qu’il fait nuit, tout a disparu ! »

La vieille dame qui pensait qu’un fou s’adressait à elle, lui demanda son nom. Quand on lui apprit, elle s’exclama : «  Haha ! Vous devez être fou ! Visu vivait ici il y a 300 ans ! Un jour, il est parti et il n’est jamais revenu. »

 « 300 ans ! » murmura Visu. « C’est impossible. Où sont mes enfants et ma chère femme ? »

 « Brulé ! » répondit la vieille dame. « Et, si ce que vous dîtes est vrai. Les enfants de vos enfants également. Les Dieux vous ont prolongé votre vie misérable pour vous punir d’avoir négligé votre femme et vos enfants.»

Des larmes de crocodile traversèrent le visage de Visu et s’écoula sur ses joues, il dit d’une voix de chien abattu « Je ne suis pas un homme. Je priais alors que mes êtres les plus chèrs étaient affamés et qu’ils avaient besoin de ma force. Vieille dame, rappelle-toi ces mots : « Si tu pries, travailles aussi ! ».

Nous ne savons pas ce qui est advenu de ce pauvre repentant mais il continua à vivre après qu’il fut retourné de ses étranges aventures. On dit que son esprit blanc hante toujours le mont Fuji lorsque la lune brille.

Source: F. Hadland Davis, Myths and Legends of Japan (London: George G. Harrap and Company, 1912)

 

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