La vengeance du moine Raigo est une histoire célèbre d’onryo, un esprit vengeur [cf Yokai], qui a lieu dans le Japon de l’ère Heian.
En ce temps-là, et autour de la capitale impériale, des temples très puissants se menaient une “guerre” continuelle, le plus souvent de manière diplomatique, afin de devenir le temple le plus puissant de Heian. Cherchant à attirer les faveurs du pouvoir impérial vers eux au détriment de leur “concurrent”. Parmi ces temples, l’Enryaku-ji et le Mii-dera, qui bien que tous deux descendants de la secte Tendai et de sa doctrine, étaient en perpétuel compétition. Préparer à la guerre, avec leur armée de moine sôhei, ces temples était craint de l’empereur lui-même, et toutes les unités dirigeantes étaient bien conscientes de leurs capacités à se révolter, ainsi que leurs fidèles.
Raigô était le chef des moines du temple Mii-dera et il avait conclu un marché avec l’empereur Shirakawa [note : qui régna de 1073 à 1087] alors que ce dernier n’arrivait pas à avoir d’enfant, et donc de descendant pour le trône impérial. S’il parvenait à faire naître le successeur du trône, il recevrait alors la récompense désirée.
Fort de cette promesse, Raigô pria jour et nuit afin de satisfaire la demande de l’empereur jusqu’à ce que le jour bénit arrive. Le 16 décembre 1074, l’empereur donne naissance à un fils, le prince Asufumi. Satisfait de la réussite de sa quête, il s’en alla auprès de l’empereur lui demandant audience afin de faire respecter leur accord. Une fois près de lui, il demanda pour récompense la construction d’une plateforme supplémentaire pour son temple. L’empereur accepta la demande, tout heureux de la naissance de son garçon, et le moine put repartir vers le Mii-dera l’esprit tranquille.
Mais la récompense ne fut jamais donnée et la colère commença à grommeler dans le cœur de Raigô. “Alors que j’ai accompli ma tâche avec dévotion, pourquoi ma récompense ne me parvient pas. Quelle injustice !” se lamentait le pauvre moine.
C’est que l’empereur voulait bien tenir parole, mais c’était sans compter sur les moines de l’Enryaku-Ji qui eux ne voulaient pas qu’un temple concurrent puisse obtenir une telle faveur. Ainsi, craignant la puissance de révolte, célèbre, de l’Enryaku-ji, et qu’une nouvelle guerre entre deux grands temples n’éclatent l’empereur fut incapable de respecter sa parole et la récompense ne fut jamais donnée.
Raigô, débordant de colère, se mit immédiatement à prier pour la mort du prince Atsufumi qu’il avait aidé à naître. Cloîtré, et obsédé, il refusait désormais de se nourrir et ne vivait que dans l’unique but de nuire à celui qui n’avait pas tenu parole. Lorsque l’empereur eut vent des actions de Raigô, il appela, terrifié, un ami du moine, Ōe no Masafusa, et le supplia de ramener le moine à la raison.
Il se rendit au Mii-dera et demanda à rencontrer le moine Raigô, mais ce dernier refusa d’apparaître et bien que les moines étaient eux-mêmes inquiets pour leur chef, ils n’aidèrent pas notre érudit dans sa quête. Raigô s’était enfermé depuis son retour de visite avec l’empereur, et personne ne l’avait vu depuis. Ôe no Masafusa put tout de même s’approcher du cloître et parlé avec le moine, devenu dément, et ce dernier lui affirma ” ton empereur a raison de s’inquiéter. S’il n’est pas capable de tenir sa promesse alors je mènerai dans le chemin du diable, celui que j’ai mené à la vie“. Impossible à raisonner, Masafusa fit machine arrière pour prévenir l’empereur.
Pendant ce temps, et après 100 jours de rancœur vivace, mort de faim, transformé en un rat géant, ou un ogre selon les versions, le moine Raigô s’éteint. C’est à partir de sa mort, qu’un vieil homme aux cheveux blancs avec une canne de fer, se tenant au chevet du prince commença à apparaître en songe à l’entourage de la famille impériale. Le prince tomba très vite malade.
L’empereur, désespéré, s’entoura d’autant de moines que nécessaire afin de prier la survie de son enfant. Mais la malédiction était trop forte, et le petit prince Atsufumi décéda à l’âge de quatre ans.
Cependant, bien qu’endeuillé, l’empereur n’abdiqua pas, et il fit appel au grand prêtre Ryoshin de l’Enryaku-ji pour lui donner une descendance. Ce dernier y parvient après 100 jours de prières, à la manière de ce qu’avait fait le moine Raigô avant lui, et le futur empereur Horikawa vint au monde. Craignant, une nouvelle fois la malédiction de Raigô, les moines firent construire un temple en son nom, le temple du rat.
Les personnages réels de ce conte.
|
Prince Atsufumi 敦文親王 [1075–1077]
|
|
“Tesso” (鉄鼠)issu du Gazu Hyakki Yagyō by Toriyama Sekien où l’on peut lire l’inscription suivante : “C’est ici que l’esprit du moine Raigô est devenu l’esprit d’un rat” (頼豪の灵(霊)鼠と化(かす)と世尓(に)志(し)る所也) Dans l’imaginaire Yokai, Raigô est nommé “Tesso” (鉄鼠), le rat de métal. |
Chaque semaine, un nouveau conte japonais est disponible sur le site du Japon. Retrouvez ces contes ici [ marquez la page et jetez-y un coup d’œil occasionnellement si vous aimez les contes ]. |