Les trois charmes et la sorcière des montagnes

Il était une fois un jeune apprenti qui vivait dans un temple situé dans les montagnes. C’était un garçon indiscipliné qui aimait faire des farces qui ne s’entraînait pas beaucoup, faisait souvent la sieste et causait des problèmes au grand prêtre en chassant des lapins.

Un jour d’automne, alors que le koyo approchait, le jeune apprenti aperçut que les châtaigniers, au loin dans la montagne, commençaient à porter des fruits. Les châtaignes avaient l’air délicieuses d’où il se tenait, et il n’avait qu’un souhait, lui qui en était friand : en manger autant que possible. Il dit alors à son maître en pointant du doigt une montagne.

« Maître, je veux manger les châtaignes de cette montagne là-bas. Puis-je aller en cueillir ? »

Mais le maître rétorqua immédiatement : « Non, tu ne peux pas. On dit qu’une sorcière des montagnes y vit. Si tu y vas, tu seras surement mangé. »

Le garçon fidèle à lui-même n’abandonna pas l’idée et continua : « Je suis sûr que c’est un mensonge ! Quelqu’un a surement inventé cette histoire. S’il vous plaît, laissez-moi partir. »

Le prêtre secoua la tête, décidément le garçon ne voulait pas faire ce qu’on lui disait, il s’inclina alors : « Soit, cela peut faire du bien à un jeune garçon malicieux comme toi d’avoir peur pour une fois. Tu peux partir, mais si tu rencontres la sorcière, utilise ceci. » Le prêtre tendit au garçon trois charmes en papier porte-bonheur. L’apprenti les prit et partit immédiatement vers la montagne.

Sanmai no ofuda

lien de l’image

Une fois arrivé, le garçon trouva beaucoup de châtaignes mûres, comme il l’avait pensé, il commença à les ramasser. Il fut tellement absorbé qu’il oublia complètement l’heure et ne remarqua pas que le soleil était presque couché, et avant qu’il ne s’en aperçoive, il faisait déjà nuit noir. Il avait maintenant peur que la sorcière arrive juste maintenant, et il commença à s’inquiéter de sa réaction si cela arrivait. C’est alors qu’une voix se leva derrière lui.

« Eh bien, eh bien. Bonjour, jeune garçon. »

sorcière des montagnes ou Yama Uba
dessin par Totoya Hokkei,1830.

Pensant encore à la sorcière, l’apprenti sursauta de frayeur, mais lorsqu’il se retourna, il vit une vieille femme à l’air douce : « Tu es venu cueillir des châtaignes ? Tu devrais venir chez moi, je les ferai cuire pour que tu puisses les manger. »

Le garçon avait très faim, et tout imprudent et confiant qu’il était accepta avec joie la proposition de la vieille femme. Tout se passait comme il était prévu et il mangea des châtaignes jusqu’à plus faim, tant qu’il se laissa gagner par le sommeil et s’endormit. Il se réveilla au milieu de la nuit, sans savoir combien de temps il avait dormi, et constata que la vieille femme n’était pas là. Il entendit un bruit étrange venant de la pièce voisine. Perplexe, il jeta un coup d’œil pour voir l’effrayante sorcière des montagnes en train d’aiguiser un couteau.

« Aaaaah ! » hurla-t-il, horrifié. La sorcière lève les yeux et le regarde fixement.

« Tu m’as vu, n’est-ce pas, mon garçon ? C’est vrai, je suis une sorcière ! Et maintenant, je vais te manger. » Dit-elle d’un ton effrayant, essayant d’attraper le garçon.

Paniqué, et sachant qu’il ne pouvait rien faire face à une sorcière, il dit, « Euh…. d’accord. Mais laissez-moi d’abord aller aux toilettes. Je vais me faire dessus si je n’y vais pas. »

« hmmm, d’accord, mais je vais t’attacher avec une corde et t’accompagner pour que tu ne puisses pas t’échapper. » Et elle s’exécuta.  Le garçon entra dans les toilettes, attaché à la corde pendant que la sorcière montait la garde devant la porte.

« Tu n’as pas encore fini ? » s’impatienta-t-elle.

« Encore un peu, …, juste une minute ! » répondit le garçon, mais il savait qu’il ne pourrait pas continuer comme ça indéfiniment. « Que dois-je faire ? … Ah ! Bien sûr ! Je peux utiliser le charme en papier que le prêtre m’a donné pour m’échapper ! » se souvient-il. Et ainsi il attacha un des charmes à la paroi des toilettes et lui demanda de l’aider ainsi : « Oh, porte-bonheur, fais-toi passer pour moi et réponds à la sorcière.« 

Ainsi, il eut le temps de se faufiler par la fenêtre des toilettes, et de fuir aussi vite qu’il le pouvait vers le temple.

La sorcière continuait à s’impatienter, et elle cria d’un ton de plus en plus pressant : « Garçon ! Tu n’as pas fini ? Tu es très lent ! » en pensant que le garçon était toujours à l’intérieur. « Encore un peu, …, juste une minute ! »  Répondit le charme avec la voix du garçon. La sorcière commença à se méfier car chaque fois qu’elle demandait au garçon de se dépêcher, la même réponse revenait. Finalement, elle ne put attendre plus longtemps et ouvrit la porte. Le garçon était parti. « Ce vaurien ! Il m’a trompé ! Il va le regretter ! » s’emporta la sorcière en colère qui commença à courir après le garçon.

« Woah, c’était juste », se dit le garçon alors qu’il courait à toute jambe, commençant à peine à se calmer. Mais lorsqu’il regarda en arrière, s’approchant de lui à toute vitesse, la sorcière le suivait, l’air plus effrayant encore, et la colère marquée sur son visage : « Arrête-toi où tu es ! Je vais te manger ici et maintenant ! » s’époumona-t-elle alors qu’elle était sur le point de le rattraper.

« Oh non ! Si elle m’attrape, je suis mort ! ». Il sortit alors un autre des charmes que le vieux prêtre lui avait donné et demanda :  » Porte-bonheur, fais apparaître une rivière derrière moi. » Et alors une grande rivière apparut et, ainsi, la sorcière fut engloutie dans son courant.

« La sorcière va sûrement se noyer », soupira-t-il, soulagé. Mais il n’avait pas encore finit de la penser que la sorcière, utilisant ses pouvoirs magiques, avala toute l’eau de la rivière et se remit immédiatement à sa poursuite.

Il sortit alors son dernier charme pour demande : »Oh non ! Cette fois, fais-moi une mer de feu« , demanda le garçon. Et alors une mer de feu apparut derrière lui et, ainsi, enveloppa la sorcière. Mais la sorcière, soufflant toute l’eau qu’elle venait juste d’avaler, éteignit le feu, et reprit sa course de plus belle.

« Je suis fini ! Elle va m’attraper maintenant », pensa le garçon jusqu’à prendre conscience qu’il avait réussi à rejoindre le temple avant la sorcière et il appela alors, de toute ses forces : « Maître, aidez-moi ! La sorcière des montagnes me poursuit. Elle est juste à côté ! »

Le maître, avec calme, lui répondit : « Ah, alors tu l’as rencontrée, n’est-ce pas ? As-tu appris ta leçon ? »

Le garçon a réfléchi à ce qui s’était passé et demanda au prêtre de lui pardonner. « Je suis désolé, Maître. A partir de maintenant, je me comporterai mieux. » Alors il se cacha dans une grande jarre, paniqué à l’idée que la sorcière puisse réussir à l’atteindre et à peine avait-il pu se cacher que la sorcière défonça la porte du temple et fit irruption en son sein. « Où est-il ? » criait-elle, jusqu’à apercevoir le prêtre se tenant là, qui feignait de n’avoir senti sa présence. Elle se tourna vers lui et demanda : « Hé, curé ! Où est le garçon qui est entré ici ? Tu le caches ? Fais-le sortir immédiatement ! »

Le prêtre faisait semblant de ne rien savoir : « Quoi ? De quoi parlez-vous ? Je suis resté assis ici à manger des gâteaux de riz. Je n’ai vu aucun garçon. » Cette réponse avait rendu la sorcière verte de colère.

« Vous pouvez prétendre que vous ne savez rien. Cela ne fait aucune différence pour moi, puisque je te mangerai à la place du garçon« , dit la sorcière, maintenant très agitée.

« D’accord, mais voyons d’abord lequel d’entre nous est le meilleur pour se transformer en différentes formes« , demanda le prêtre. « Si tu gagnes, tu pourras faire ce que tu veux.« 

« Ne me fais pas rire« , répondit la sorcière avec une grande confiance. « Je peux me transformer en n’importe quelle forme. « 

Le prêtre, voyant l’arrogance de la sorcière, lui dit : « Ah bon ? Tu peux te faire aussi grande que le plafond ?« . A peine avait-il dit cela que la sorcière grandissait jusqu’à la hauteur du plafond sans aucun problème. « Oh » le prêtre semblait impressionnait « Mais je parie que tu ne peux pas te faire aussi grande que la montagne là-bas », poursuivit-il la mettant au défi.

« Rien de plus facile », rétorquait la sorcière qui devint aussitôt aussi grande que la montagne.

Le prêtre feignant d’être extrêmement impressionné par les capacités de la sorcière. « C’est vraiment quelque chose… Vous pouvez vous rendre plus grande, sans souci … mais je présume que tu ne peux pas te rendre aussi petite qu’un haricot, n’est-ce pas ? » dit-il d’un ton moqueur.

Piquée au vif, la sorcière réagit avec mépris à la suffisance du prêtre. « C’est facile. Regardes ! » elle rétrécit alors jusqu’à atteindre la taille du bout du doigt du prêtre, fière de sa prouesse.

« Très impressionnant ! Maintenant, à mon tour« , dit le prêtre. Et ainsi, il ramassa la minuscule sorcière et la fourra dans son gâteau de riz qui était en train de griller. Il l’engloutit d’un seul trait.

A partir de ce jour, on n’entendit plus jamais parlé de la sorcière dans les montagnes, et la leçon avait été retenue : le jeune apprenti devint un très bon garçon, écoutant attentivement tout ce que disait le prêtre.

Source : http://japanfolklore.blogspot.com

 

Note : le titre original de ce conte est : 三まいのおふだ ou Sanmai no ofuda, nous traduirons ofuda par « charme » mais il s’agit de « porte-bonheur » en papier.

 

Chaque semaine, un nouveau conte japonais est disponible sur le site du Japon. Retrouvez ces contes ici [ marquez la page et jetez y un coup d’oeil occasionnellement si vous aimez les contes ]. 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.