La femme des neiges, Yuki Onna.

Mosaku et son apprenti promenaient dans la forêt, à quelques kilomètres de leur village. C’était une nuit froide et quand ils approchèrent de leur destination, ils faisaient face à une rivière. Ils désiraient traverser cette rivière, mais la personne qui faisait normalement la traversée était déjà partie, laissant son bateau de l’autre côté de la rive. Comme le temps n’était pas suffisamment clément pour que cette traversée se fasse à la nage, et que l’eau était glacée, ils se satisfirent de trouver la petite cabane du passeur et s’y installèrent la nuit.

Mosaku s’endormit presque immédiatement après être entré dans cette humble mais confortable demeure. Minokichi, cependant, resta debout longtemps écoutant les pleurs du vent et les gémissements de la neige qui semblaient frapper contre la porte.

Minokichi s’endormit finalement, pour être rapidement réveillé par une chute de neige qui tomba directement sur son visage. La porte était grande ouverte, et debout devant cette dernière se tenait une femme toute vêtu de blanc.

Illustration de Yuki-onna par Sawaki Suushi, 1737.

Elle resta un moment ainsi, devant la porte, puis elle s’allongea près de Mosaku, son souffle ressemblant à de la fumée blanche qui imprégnait le visage de ce dernier. Après une minute ou deux dans cette position, elle rapprocha de Minokichi. Terrifié, il essaya de crier alors qu’il sentait déjà le souffle glacial de cette dame sur sa peau. Elle lui dit qu’elle avait voulu le traiter de la même manière qu’elle l’avait fait pour le vieil homme, mais qu’elle ne l’avait pas fait pour préserver sa jeunesse et sa beauté, le menaçant cependant de mort s’il avait le culot de mentionner ce qu’il avait vu à qui que ce soit avant de disparaître.

Minokichi appela son maître bien-aimé, « Mosaku, Mosaku, réveille-toi ! Quelque chose de terrible vient d’arriver ! » Mais il ne reçut aucune réponse en échange. Il s’approcha alors et toucha la main de Mosaku dans le noir. Elle était comme un morceau de glace. Il comprit  que le vieil homme venait de passer de vie à trépas.

Le lendemain le jeune homme rentra au village avec le corps. Le village tout entier était triste d’apprendre la mauvaise nouvelle, et il eut droit à des obsèques glorieuses, compte tenu de sa condition. Lorsqu’on lui demandait ce qui était arrivé à Mosaku, il répondait simplement qu’il l’avait retrouvé sans vie au levé.

L’hiver suivant, alors que Minokichi rentrait chez lui, il croisa, par chance, la route d’une jeune et jolie voyageuse du nom de Yuki. Elle lui dit qu’elle allait vers Edo, où elle désirait trouver une place de servante. Minokichi était sous le charme de la fille – et qui ne l’aurait pas été à sa place ? – et se sentant ragaillardît il parvint à lui demander si elle avait quelqu’un qui partageait sa vie. Elle répondit qu’elle n’avait personne, et il la ramena alors vers son propre village plutôt que de lui laisser poursuivre sa route. Il ne fallut que peu de temps pour qu’il lui demande sa main.

Ils vécurent ensemble, heureux, pendant longtemps.

Yuki honora même son mari avec dix beaux enfants, plus blanc de peau que de moyenne. Quand la mère de Minokichi mourut, ses derniers mots étaient en direction de Yuki, et l’éloge de cette femme fut repris par de nombreuses histoires à travers la région.

Une nuit, pendant que Yuki cousait, calmement, éclairer par la lumière d’une lampe Washi, son visage reluisait, et c’est alors que Minokichi se souvint de l’expérience extraordinaire qu’il eut dans la cabane du passeur cette soirée-là, la vie lui permettant d’en avoir fait le deuil.

« Yuki » dit-il. Elle se tourna vers lui et fit montre qu’elle était à l’écoute,  « Tu me rappelles beaucoup une très belle femme blanche que j’ai vue lorsque j’avais 18 ans. Elle tua mon maître ce soir-là de son souffle glacé. Je suis certain qu’elle était une sorte d’esprit, et à la lumière de cette lampe, j’ai eu l’impression étrange qu’elle te ressemblait ».

Yuki jeta à terre son tissu d’un geste sec, presque violent et un horrible sourire galvaudait son visage lorsqu’elle s’approchait de son mari en hurlant. «  C’était moi, oui, bien moi, Yuki-Onna, qui est venue à toi, et tua ton maître en silence. Ô déchet sans foi, sans parole, sans honneur. Tu as brisé le serment que tu avais fait, et si ce n’était pour nos enfants, je te tuerais sur-le-champ ! Souviens-toi, si un jour il venait à se plaindre de leur traitement, j’entendrais, et je viendrais alors, un jour où la neige tombe, te tuer ! »

Puis Yuki-Onna, la dame des neiges, se transforma en un esprit blanc, et en hurlant et frissonnant, passa au travers d’un trou de fumée, pour ne jamais revenir.

Note d’intérêt : “Yuki” (雪) signifie neige, et “Onna”(女), femme, . 

Source: F. Hadland Davis, Myths and Legends of Japan (London: G. G. Harrap and Company, 1913).
Traduit de l’anglais par https://lesitedujapon.com

 
 

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