Le chat vampire de Nabéshima

L’histoire du chat vampire de Nabeshima.

Le prince de Hizen, membre distingué de la famille Nabeshima, s’épandait dans le jardin avec O Toyo, de loin sa favorite parmi ses concubines, dans un temps où les seigneurs en avaient pléthore afin de s’assurer la descendance la plus abondante. Et alors que le soleil était sur le point de se coucher, ils se retirèrent dans leurs quartiers respectfs, mais ne remarquèrent pas qu’un chat d’une envergure gigantesque les suivait…

O Toyo se retira dans sa chambre où le sommeil la rattrapa rapidement. Mais à minuit, très précise, en un sursaut, elle se réveilla ! Elle ressentait une présence malfaisante autour d’elle. Elle observa la pièce, et c’est alors qu’elle aperçut, là, posté à quelques mètres à peine se tenait, un chat géant.  Evidemment, elle paniqua, vision d’horreur, mais la malheureuse n’eut même pas le temps d’appeler à l’aide que la bête était déjà sur elle à l’étrangler. Elle s’éteignit rapidement. L’animal pris le corps de la pauvresse pour aller l’enterrer à quelques lieues de là. A son retour, stratagème de yokai ingénieux, il prit sa forme, car dans le monde des yokai, nombreux sont ceux qui peuvent changer d’apparence. Il s’allongea dans le lit, et passa le reste de la nuit dans la chambre. 

Le lendemain, le prince, qui n’avait évidemment pas conscience du subterfuge, continua à se prélasser auprès de sa bienaimée O Toyo, sans jamais se rendre compte que c’était une bête immonde, tant physiquement, que dans son âme, qu’il cajolait. Continuant ainsi, jour après jour, à chérir sa belle, il sentit ses forces s’évader, sans en comprendre la raison et il ne fallut pas bien longtemps pour qu’il ne tombe dangereusement malade.

C’était un véritable malheur dans l’état. Le Prince, personne aussi charitable que serviable, était très aimé dans son pays. 

Les meilleurs médecins furent appelés à son chevet, mais rétablir l’état du prince était impossible. On observa néanmoins qu’il souffrait plus encore la nuit, et qu’il faisait d’horribles rêves. A l’aide de ces informations, ses conseillers s’arrangèrent pour qu’une centaine de personnes puissent veiller sur le sommeil de leur prince, sans le déranger, afin de s’assurer qu’il regagne les forces qu’il n’avait plus, craignant que le pire, sa mort, était à son seuil. 

C’est ainsi que le soir même, une garde importante s’organisa en salle de soin, mais malgré la vaillance de ces hommes de bien, une somnolence commune s’empara de tous. Nul ne pu résister à l’appel de Morphée. Ainsi, la fausse O Toyo eut tout loisir de venir rejoindre son prince, et,  de perturber le sommeil de ce dernier jusqu’au levé du jour. Le même stratagème se répéta, de nombreuses nuits durant. Constatant l’échec de ces gardes, ses trois plus fidèles conseillers se décidèrent de veiller eux-même leur prince bienaimé, mais comme précédemment, ils ne purent rien faire contre le sommeil.

Le chat vampire de nabeshima

Le chat vampire de Nabeshima
Le chat vampire de Nabeshima, illustration par Shinal (c)

L’état de santé du prince était de plus en plus préoccupant, si bien qu’un prêtre nommé Ruiten fût appelé pour prier à son chevet. Une nuit, alors qu’il priait, il entendit un étrange bruit venant du jardin. Regardant par la fenêtre, il vit un jeune soldat faisant ses ablutions. Après cela, ce jeune soldat se plaça devant une image de Bouddha et pria avec ardeur pour la guérison du prince.  

Ruiten fût enchanté de voir tant de zèle et de loyauté, si bien qu’il invita le jeune homme dans la maison et qu’il lui demanda son nom.

 « Je suis Ito Soda. » dit le jeune homme, « et je sers dans l’infanterie de Nabeshima. J’ai entendu pour la maladie de mon seigneur et je suis venu pour l’accompagner, mais étant un soldat de seconde classe, il m’est impossible de l’ approcher, ni de le veiller, privilège des soldats de haut rang. Je prie néanmoins pour que la vie de mon seigneur soit épargnée. Je crois que le prince de Hizen a été ensorcelé. Et si je pouvais rester près de lui, je ferais de mon mieux pour trouver l’esprit malin qui se joue de lui et le détruire. »

Ruiten fut tant impressionné par ses mots, et cette dévotion, qu’il prit rendez-vous avec un conseiller le jour suivant afin de lui demander qu’Ito Soda puisse participer à la veillée du prince. Après quelques discussions et tergiversations, cette présence fut accordée.

Quand il entra dans la chambre, Ito Soda vit le prince, au milieu de cette dernière, en train de dormir, et autour de lui une centaine de suivants murmurant les uns aux autres et espérant pouvoir combattre le sommeil profond qui les a rattrapés les jours précédents. À 10 h, malgré leurs efforts tous étaient endormis.

Ito Soda, seul, tenta de garder ses yeux ouverts, mais ses paupières étaient de plus en plus lourdes et il réalisait que s’il désirait rester éveiller il devait s’employer à des mesures extrêmes. Après qu’il eut attentivement répandu du papier à huile sur le tapis, il se poignarda la cuisse, l’extrême douleur que cette action avait provoqué le garda éveillé un temps, mais finalement, ses yeux étaient revenus en état de quasi sommeil. Déterminé à combattre le sort qui a eu raison des autres personnes dans la pièce, il remua le couteau dans la plaie, et ainsi la peine augmentant il put rester éveiller et accomplir son devoir, pendant que le sang coulait continuellement sur le papier à huile.

Alors qu’Ito Soda était encore en train de regarder le prince, un bruit venant des portes coulissantes se fit entendre. Là, une jeune femme d’une beauté éclatante pénétra la pièce. Elle sourit, regardant les suivants endormis, et elle était sur le point de s’approcher du prince lorsqu’elle vit le jeune soldat les yeux ouverts surveillant le monarque. Après lui avoir parlé brièvement, elle demanda au prince comment il allait, mais le prince était trop faible pour donner une réponse. Ito regardait chacun des mouvements de la dame, et elle était visiblement gêné par ce soldat éveillé. Elle fut ainsi contrainte de se retirer.

Au matin, les suivants se réveillèrent, honteux lorsqu’ils apprirent comment Ito Soda était parvenu à rester vigilant. Les conseillers après avoir longuement félicité le jeune soldat pour sa loyauté et sa témérité lui demandèrent de rester une nuit encore, à la surveillance du prince. Ce qu’il accepta.

La nouvelle nuit venue, une fois encore, O Toyo entra dans la chambre, où tout le monde dormait, à l’exception du vaillant Ito Soda qui mit à mal son entreprise de sorcellerie.

Après ces deux gardes fructueuses, le prince pu dormir paisiblement, et son état s’était déjà amélioré grandement. Pour la fausse O Toyo, il n’en était pas de même. Les gardes n’étaient même plus sujet au sommeil. Impressionné par ces circonstances, Soda décida de prévenir les conseillers de ses soupçons quant à la Nature véritable d’O Toyo.

Cette nuit-là, le jeune soldat avait prévu d’aller dans la chambre de cette dernière et d’essayer de la tuer, s’assurant que si elle parvenait à fuir, 8 soldats étaient à l’extérieur prêt à la capturer. A l’heure prévue, Soda Ito s’en alla vers les appartements de la créature et après avoir tapé à la porte prétexta un message du prince.

« Quel est ce message ? » s’empressa de demander la femme.

« Lisez cette lettre, s’il vous plaît » répondit Soda, et suivit de ses mots, la porte s’ouvrit. Il tenta alors de sauter sur elle afin de la tuer.

La fausse O Toyo saisit une hallebarde et s’empressa de frapper son ennemi. Aux coups répondit les coups, mais elle comprit qu’elle avait plus intérêt à s’envoler plutôt qu’à se battre, elle jeta son arme, et en un instant elle se changea en chat et s’échappa vers le toit, les gardes qui attendaient dehors tirèrent sur l’animal mais sans succès.

Le chat s’en alla à toute allure vers les montagnes, et causa toutes sortes de trouble, avant qu’il ne soit finalement capturé et tué lors d’une chasse commandée par le prince Hizen. Ce dernier finalement rétablit, Soda Ito reçut les honneurs qu’il avait amplement mérité.

Source 

  • Source: F. Hadland Davis, Myths and Legends of Japan (London: G. G. Harrap and Company, 1913)
  • Cette légende est mentionnée par A. B. Mitford, Tales of Old Japan (London: Macmillan and Co., 1871)
Chaque semaine, un nouveau conte japonais est disponible sur le site du Japon. Retrouvez ces contes ici .
 

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